Au thème juif, Stefan Zweig préfère en effet les thèmes universels, il raconte des histoires d’amour, de couple, de jalousie, de sentiments, il écrit des poèmes, des biographies historiques, et le judaïsme n’est certes pas au cœur de son œuvre : c’est comme s’il n’y avait pas de sujet de cet ordre chez Zweig. Fils d’une famille de la grande bourgeoisie viennoise, il est plus nourri de culture occidentale qu’intéressé par ses origines et sa religion, et semble plus concerné par le ravage de la beauté et de la culture que par la montée de l’antisémitisme. Ses livres ne semblent pas parcourus par la question de son identité, ni même par des personnages juifs, historiques ou fictifs, sauf quelques apparitions comme le père de la jeune infirme, juif hongrois d’origine modeste, dans La Pitié dangereuse. « Si l’on recherche l’identité juive chez Zweig, on la trouve évoquée dans deux nouvelles : Le Chandelier enterré, d’après une légende concernant la ménorah, le candélabre sacré qui restait allumé dans le temple de Jérusalem. Et Le Bouquiniste Mendel » Excellent traducteur et connaisseur de la littérature française, il a écrit sur Montaigne et c’est peut-être de cet écrivain descendant de juifs marranes qu’il se rapproche le plus. Montaigne, qui représente la quintessence de l’esprit français, le début de la littérature à travers l’invention de l’autobiographie, la justice et la morale, l’humanisme, mais aussi l’ouverture sur le monde par un esprit éclairé critique des religions et des superstitions, n’est sans doute pas ce que l’on appelle un auteur juif. Pourtant, par sa mère, une Lopez de Villanueva, il venait d’une famille de marranes, et peut-être aussi par son père, Pierre Eyquem, possible descendant de convertis originaires du Portugal. Et Zweig aime à rappeler que la mère de Montaigne était juive. Son combat contre la barbarie, contre la tyrannie et toutes les formes de cruauté, contre le fanatisme et l’injustice, sa volonté d’ouverture et de connaissance d’autrui sont à mettre en perspective avec son héritage marrane si l’on considère l’histoire tragique des juifs d’Espagne, pourchassés par l’Inquisition et forcés de se cacher sous une autre identité pour survivre. Montaigne, derrière les masques, cherche l’homme et le définit par son universalité. Et c’est en cela qu’il paraît être un auteur juif. Si l’on recherche l’identité juive chez Zweig, on la trouve évoquée dans deux nouvelles : Le Chandelier enterré, d’après une légende concernant la ménorah, le candélabre sacré qui restait allumé dans le temple de Jérusalem. Et Le Bouquiniste Mendel, nouvelle écrite en 1929, où il s’attache à ce personnage qui ne fait que lire pendant toute sa vie et finit heimatlosaprès la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire apatride. Deux écrits qui évoquent la question de la permanence de l’identité juive, à travers le symbole et le livre, malgré la haine et la dégradation. [...] > ACCÉDER AU NUMÉRO |