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13 octobre 2022 4 13 /10 /octobre /2022 08:20
Un dilemme moderne, d’Irène Lurçat : la littérature est un besoin vital

A l’heure où le Prix Nobel de littérature fait polémique, il est utile de rappeler que la littérature ne se réduit jamais à la politique. Comme l’écrit Jérôme Leroy dans les colonnes de Causeur, “la littérature ne se réduit pas aux prises de position des écrivains”. Le recueil de nouvelles que vient de publier Irène Lurçat appartient sans aucun doute à ce que la littérature peut offrir de meilleur. Les personnages de ses nouvelles vivent des situations qui parlent de chacun de nous.

 

Dans “Voleurs de vie”, une jeune femme oublie un foulard dans un taxi, dont le chauffeur va lui faire entrevoir un monde mystérieux. Dans “Le visage du XXIe siècle”, Suzanne découvre l’univers cruel de la mode. Dans “Le coeur net”, Vincent part à la recherche de son père qu’il n’a jamais vu. A partir de ces situations plus ou moins banales, Irène Lurçat ébauche des nouvelles pleines de finesse psychologique et d’attention aux détails. Sa plume est acerbe, parfois dure, mais jamais insensible. Les personnages de ses nouvelles sont souvent déçus, trompés, parfois humiliés. Pourtant l’impression qui ressort de la lecture de ce recueil n’est pas celle d’un monde marqué par la noirceur ou par la dureté de la vie, mais plutôt celle d’une attente de rédemption, d’une quête d’amour qui, même lorsqu’elle tourne court, demeure en attente.

 

Une des nouvelles décrit le personnage d’un écrivain qui connaît le succès, avant d’être gagnée par le doute. Elle cite la phrase d’Henry James : “Observez perpétuellement”. Sans doute est-ce l’une des conditions nécessaires de toute littérature authentique, qui fait cruellement défaut à une certaine conception de l’écriture contemporaine, nombriliste et tournée exclusivement sur les affres du moi… La nouvelle qui ouvre ce beau recueil, une des plus belles à mon goût, mêle réalisme et mystère, avec un petit côté magique qui fait penser à Stefan Zweig. Lorsque le personnage principal s’aperçoit de la perte de son “talisman”, elle “erre orpheline dans les rues de Paris à la recherche de [son] taxi”, se désolant d’avoir “perdu le précieux foulard, et avec lui toute chance d’être aimée d’un amour vrai”.

 

Nous sommes tous, à l’instar des personnages d’un Dilemme moderne, en quête d’un talisman perdu et d’un amour vrai. Sans doute est-ce ce qui donne à ce recueil de nouvelles sa force et sa vérité. La littérature authentique n’est pas un manifeste politique, mais elle peut pourtant beaucoup pour une humanité déboussolée et chancelante. Plus qu’une boussole, elle peut nous servir de compagnon et de guide. La littérature est un besoin vital, comme nous le rappelle la lecture de ce recueil talentueux et prometteur.

Irène Lurçat, Un dilemme moderne, L’ire de l’ours 2022

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