26 juin 2011
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d’ Isaac Bashevis Singer. Ces nouvelles, écrites à différentes époques de la sa vie, avaient paru dans le Forward, journal yiddish new-yorkais. Cette publication
enchantera les admirateurs du grand écrivain, disparu en 1991.
Né en Pologne en 1904, Isaac Bashevis Singer a émigré aux Etats-Unis en 1935. Comme de nombreux Juifs, il fuyait son pays natal où régnait un antisémitisme virulent. A la même époque,
après 1933, les familles juives qui avaient pu obtenir un visa pour le Nouveau Monde quittaient l’Allemagne nazie. Puis les portes de l’Europe se sont fermées et c’est après 1945 que sont arrivés
aux USA des rescapés des camps de la mort.
I.B. Singer a connu ces hommes et ces femmes, dont beaucoup vivaient dans la misère, ces réfugiés dont il s’est inspiré dans ses œuvres. Dans ce recueil l’écrivain précise
qu’il avait été pendant plusieurs années responsable du courrier des lecteurs d’un journal yiddish. Il dit avoir utilisé dans sa prose les confidences de ses correspondants.
Ainsi nous ne saurons jamais si la terrible nouvelle intitulée « Le tableau », est fondée sur un fait réel.
Singer fait revivre aussi la Varsovie de son enfance, des personnages aux traditions religieuses et aux coutumes ancestrales.
Singer peint ses contemporains, leurs défauts, jalousie, faiblesse, colère, duplicité, traitrise… sans complaisance mais avec tendresse et ironie . .
« Chez les hassidim, l’amour était aussi peu casher que le porc ».
Des immigrants aux vies ratées
Parmi les réfugiés décrits par Singer, on trouve des déracinés, originaires d’Allemagne ou de Pologne qui n’ont pas su trouver leur place dans la société américaine. Ainsi nous
découvrons :
- un acteur déchu : vedette à Berlin dans les années 30, réduit aux rôles de figurant à Hollywood ; en 20 ans on n’entendra sa voix que dans une courte phrase « Quel
sale temps ! »,
- un érudit, auteur d’un ouvrage savant dont seuls 20 exemplaires ont été vendus,
- une esthéticienne, qui se dit exaspérée par les bavardages de ses clientes et devient « maquilleuse de cadavres ».
- un couple des rescapés de la Shoah qui décide de se suicider, mais n’ose franchir le pas…
Singer, conteur né
Dès les premières lignes de ce recueil dans sa traduction française, nous sommes captivés. Ceux qui ont la chance de comprendre le yiddish affirment que la traduction la plus habile
nous prive du charme, de la saveur de cette langue parlée par les Juifs d’Europe centrale pendant des siècles.
Fantaisie et humour sont toujours présents, alternant avec le pessimisme de l’auteur sur la condition humaine et la vanité de toute chose.
Les femmes dans l’univers de Singer
Les héroïnes de Singer sont souvent laides, les cheveux teints volontiers en roux, le nez plat ou crochu, couvertes de bijoux, ignorantes, profiteuses, attendant la mort d’un mari
qu’elles n’ont pas aimé pour se remarier, un mari qu’elles ont trompé avec un ami de la famille, parfois difforme, bossu ou nain.
Dans « Les aventures d’un idéaliste », l’auteur demande à son « traducteur » de rédiger un chapitre sur la fourberie des femmes…
Echappe à la règle la belle et mystérieuse Hanele dans « Heschele et Hanele ». Il est vrai qu’il s’agit là d’un rêve.
Une grande variété de ton et de sujets
Ces treize nouvelles, par leur style et leur contenu toujours différent, sont l’illustration de la faculté permanente de Singer de se renouveler : nous passons de l’histoire d’un
pseudo-écrivain, campé dans « Les aventures d’un idéaliste », , à celle d’un lacet de chaussure en fin de vie ou encore celle d’une perruche égarée, faisant irruption dans l’
appartement de l’auteur situé dans le Bronx, au centre de New York, dans un immeuble de 18 étages …
Et l’on est particulièrement ému lorsque Singer, le journaliste yiddish, se met en scène.
La philosophie et la morale de Singer
Certains thèmes reviennent régulièrement sous la plume de l’écrivain :
- le scandale de l’abattage des animaux : on sait que Singer était végétarien et qu’il comparaît l’attitude des humains vis-à-vis des
animaux à celle des nazis vis-à-vis des Juifs,
- son scepticisme contre la croyance en un Tout-Puissant qui a toléré les horreurs de la Shoah,
- son jugement sur la vie, règne de l’éphémère et de l’absurde pour toutes les générations : « Les jeunes ne
croient pas en la vieillesse et les vieux aspirent à se sentir jeunes ».
http://www.guysen.com/articles.php?id=15845&art_mail=1