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L'actualite litteraire en France et en Israel, focalisee sur la litterature juive, israelienne et francaise a themes juifs.

‟Jour de Sharav à Jérusalem” de Pierre I. Lurçat : un livre en bleu et blanc, par Yael Bensimhoun

‟Jour de Sharav à Jérusalem” de Pierre I. Lurçat : un livre en bleu et blanc, par Yael Bensimhoun

"Sharav" disent les israéliens, « vent chaud » traduirait-on si l’on ne craignait d’étouffer le souffle poétique de ce mot. C’est au creux de cette vague de chaleur aux ondes mélancoliques de la lyre de David que Pierre Itsh’ak Lurçat nous fait don d’un livre en bleu et blanc, une compilation d’une vingtaine de courtes histoires parues pour la plupart entre 2009 et 2012 dans l’Edition française du Jérusalem Post. Sont-ce des nouvelles ? Sans doute sont-elles davantage les pages d’un carnet de route, des instants magiques et toujours improvisés, capturés lors d’un voyage presque initiatique vécu à travers les âges, au détour de rencontres et d’expériences réelles ou imaginées.

Cette route a été bâtie il y a fort longtemps, bien avant que l’auteur ne dépose définitivement ses bagages dans les hauteurs de la Ville d’or et de lumière. Au fil des pages, on y croisera Joseph le h’aloutz, grand-père du narrateur, qui avait relevé ses manches dans les années 20 pour la réalisation du rêve de tout un peuple avant de devoir regagner l’Europe bientôt plongée dans la tragédie. On emboitera le pas de H’aya Kurtzovna, la grand-mère courage et hospitalière, dont le nom évoque quelque héroïne romanesque et l’immensité de la plaine européenne. On y côtoiera encore des personnages célèbres à des endroits inattendus, Herzl à Paris et Chopin à Jérusalem ; des anonymes malheureux, au milieu d’autres anonymes, tel le soldat Alex , déambulant dans le marché de Mahané Yehuda, sa peine sur le dos, mais prompt à saisir la main du frère qui se tend et à recueillir la beauté et la joie tout autour. On fera également la connaissance de Rabbi Eliahou si plein de piété, la voix de la conscience, et on assistera avec ravissement à la rencontre improbable et probante cependant, des trois Rah’el au pied du tombeau de la matriarche…

Des personnages et des évènements défilent sans lien forcément apparent les uns avec les autres, emplis même quelquefois de contradictions. Ils font cependant partie d’une seule et même toile. Ensemble, ils forment la somme de tous les questionnements et des conflits culturels et personnels de l’être juif de retour sur sa terre ou sur le point d’y monter, aujourd’hui ou demain.Ils sont encore la somme de toutes les déceptions, des insatisfactions et des nombreux moments de plénitude du « Juif redevenu Hébreu », pour reprendre brièvement la formule de Rav Ashkenazi, ou qui peine à le redevenir. Tel est le cas du philosophe de Bait Vegan qui jusqu’à sa mort prématurée, ignorait qu’il était sans doute parvenu à concilier tous les paradoxes qui ont parsemé son incroyable parcours de vie. Et puis… et puis il y a ceux qui s’en sont allés, victimes des idolâtres de la mort. A chaque page de ce livre, résonne le violon de David Gritz, ce jeune homme talentueux arraché à un avenir prometteur, aux siens, à sa terre. Avec ce récit vibrant, presque une prière, Pierre I. Lurçat rend hommage à tous nos chers disparus.

Souvent, quand je referme un ouvrage, je prononce à haute voix, sans même m’en rendre compte, une petite phrase sensée synthétiser l’instant passé avec son auteur. Là, je n’ai rien dit. Je me suis contentée de rouvrir le livre pour rattraper quelques mots et images qui avaient trouvé un écho en moi. Mais il y en avait tantL’amour d’Israël transpire à chaque page. Non pas de cet amour déraisonnable qui conduit les hommes à dire ou faire des choses extravagantes mais d’un amour profond, sincère et durable, transmissible sur un pont de cordes.

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