L'actualite litteraire en France et en Israel, focalisee sur la litterature juive, israelienne et francaise a themes juifs.
http://actuphilo.com/2011/01/05/un-an-apres-sa-mort-la-revue-critique-evoque-le-parcours-de-yerushalmi/
Parution du dernier numéro de la revue Critique.
Critique n° 763
Ce numéro est en grande partie consacré à la figure de Yerushalmi.
Figure intellectuelle peu ordinaire et exemplaireGamin du Bronx devenu professeur aux Universités de Harvard et Columbia, Yosef Hayim Yerushalmi est une figure intellectuelle peu ordinaire en même temps qu’exemplaire.
Son livre Zakhor
, paru en 1982 et traduit en français en 1984 fit époque : pour l’histoire du judaïsme, mais aussi et bien au-delà, pour l’historiographie contemporaine tout entière. Le nom de Yerushalmi est désormais indissociable du débat entre histoire et mémoire.
Un an après sa mort, Critique évoque le parcours de Yerushalmi et le retentissement de son oeuvre grâce à trois de ses meilleurs connaisseurs : Sylvie Anne Goldberg, Yosef Kaplan et Nicolas Weill, qui a réuni ces textes dédiés à la mémoire de l’historien disparu.
Sommaire de la revue
- Yosef KAPLAN : Yosef Hayim Yerushalmi, historien des ruptures
- Nicolas WEILL : Paul Ricoeur, Yosef Hayim Yerushalmi : lectures croisées
- Sylvie Anne GOLDBERG : L’histoire sans enchantement
- Dork ZABUNYAN : Solitude du cinéma ?
- Raymond Bellour, Le Corps du cinéma. Hypnoses, émotions, animalités
- Pascale PRIVEY : Mon Troisième Reich pour une moustache !
- Jean Narboni, Pourquoi les coiffeurs ?
- Marc CERISUELO : Cet instant qui nous échappe
- Jean-Loup Bourget, Fritz Lang, Ladykiller
- Maja BRICK : Ni sexe, ni armes, ni portables
- Jim Jarmusch, The Limits of Control
- Patrizia LOMBARDO : Étonnement et souvenir chez Scorsese
- Martin Scorsese, Shutter Island
Voir le site des Editions de Minuithttp://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=2664
Yerulshami,
Zakhor, histoire et mémoire juive
Souviens-toi
Dans ce livre, Yerushalmi s’interroge sur les relations des Juifs avec l’histoire. Il constate en effet que si le judaïsme est fortement imprégné du sens de l’histoire et surtout de la mémoire (sacralisée par l’injonction biblique Zakhor qui signifie « souviens-toi » en hébreu) l’histoire en tant que telle joue un rôle plutôt négligeable dans la culture juive. Il s’attache alors à retracer chronologiquement les relations entre histoire juive et mémoire juive depuis les fondements bibliques et rabbiniques jusqu’aux époques moderne et contemporaine.
Les textes fondamentaux eux-mêmes ne se réfèrent pas à l’histoire comme connaissance en soi. Le texte biblique invite à se souvenir du passé uniquement comme moment de rencontre entre l’homme et le divin. La littérature rabbinique, rédigée par la suite, ne juge pas nécessaire d’écrire l’histoire de ses contemporains. Les événements rapportés dans laBible suffisent, aux yeux de ses auteurs, à donner sens à toute contingence historique postérieure. De ces fondements découle une attitude ahistorique des Juifs qui se poursuit tout au long du Moyen Âge.
Les textes historiques sont rares au cours de cette période et la mémoire passe par d’autres canaux, principalement les rites et la liturgie. Dans ce cadre, les souvenirs sont évoqués à des fins d’identification et non d’intelligence. Malgré une étonnante floraison de textes historiques à la suite de l’expulsion d’Espagne, au XVIe siècle, cette attitude ahistorique, voire antihistorique, persiste longtemps dans le public juif, qui voit dans l’étude de l’histoire une perte de temps, un temps précieux qui devrait plutôt êtreconsacré à l’étude religieuse. Au début du XIXe siècle, l’historiographie juive émerge alors comme l’une des multiples réponses données à la crise de l’émancipation des Juifs et au combat pour l’obtenir. L’histoire devient alors la « foi des Juifs perdus » tandis que s’accélère la perte de la mémoire du groupe.