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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 08:41

Ayant publié avant-hier un article virulent contre Pierre Assouline sur l'affaire du Salon des écrivains méditerranéens Ecrimed, je me dois de diffuser la réponse qu'il publie hier soir sur son blog. Je ne suis pas entièrement convaincu par son article, car il reste encore beaucoup de choses peu claires, mais je suis certain (contrairement à P Assouline) que le journal Ha'aretz n'est pas une source fiable et qu'il se peut bien que toute l'affaire soit effectivement une rumeur... A suivre. P.I.L

 

http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/12/08/reponse-a-haaretz-et-a-quelques-autres/
Réponse à « Haaretz » et à quelques autres

Souffrez, chers lecteurs de la « République des livres », que pour une fois, je vous entretienne d’une sale rumeur dont je suis l’objet. Si elle ne concernait que ma personne, et si elle était étayée par des faits incontestables, je n’en ferais évidemment pas état. J’hésiterais entre faire mon mea culpa et faire le gros dos. Or il se trouve qu’elle me dépasse largement pour avoir partie liée avec le vieux débat sur la disputatio entre intellectuels mais replacé dans le contexte légèrement crispé du conflit israélo-arabe, et qu’elle a été lancée à partir d’un tissu de désinformation noué, volontairement ou pas selon les medias, par des erreurs (confondre Ecrimed avec Acrimed, franchement...), des approximations, des contre-vérités lorsque ce ne fut par des mensonges manifestes. Mélangez le tout, secouez, servez frais sur la Toile et la dite rumeur, menaçant de se retrouver bientôt sur votre fiche Wikipédia à un niveau aussi important que vos études ou vos œuvres complètes, votre compte est bon pour un certain nombre d’années. Fontenelle n’écrivait-il pas dans son Histoire des oracles (1687) : « Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point" ? C’est ainsi que depuis quelques jours, le site Israël.infos et plusieurs autres d'une tendance opposée mais tout aussi nuancés (c'est bien connu, les extrêmes...), ainsi que le quotidien israélien Haaretz, ce qui est plus surprenant et plus regrettable, (et la RDL n'y a pas échappé, j'en demande pardon aux fantômes de Molière et de Malraux que ces commentaires ont dû chatouiller) ont publié des articles assurant que j’avais expulsé un écrivain israélien d’un débat afin de céder à l'exiegence d’un écrivain palestinien ; l’ « information » était évidemment assortie d’un certain nombre de détails sur le déroulé de l’incident, qui me valurent des noms d’oiseaux, des insultes, pour ne rien dire de ma messagerie envahie de courriels me reprochant mon attitude avec la plus grande fermeté. Au début, c’était tellement énorme, ces gens qui racontaient une version fantasmatique d’ événements auxquels ils n’avaient pas assisté, me condamnant alors que j’y étais et que quelque trois cents personnes qui y étaient également peuvent corroborer ma version. J’avoue avoir cédé à ma pente naturelle : le Titien aboie, le Caravage passe… Mais la rumeur s’est mise à être méchante. Alors coupons court pour n’y plus revenir.

Le week-end dernier à Marseille, j’ai animé pour la troisième année consécutive des « Rencontres méditerranéennes » organisées par l’association Ecrimed. Une quinzaine d’écrivains et de poètes venus, chacun d’un pays riverain, tous des francophones dont l’œuvre est traduite en France, étaient invités à échanger autour de tout ce qu’ils ont de commun : langue, imaginaire, rêves, histoire, lectures, géographie, politique etc Chaque année, l’accent est mis sur un thème particulier. Cette année : les printemps arabes, de toute évidence. Israël était représenté en 2009 par A.B. Yehoshua, en 2010 par Michal Govrin et cette fois par Mosche Sakal, un jeune romancier, poète et critique dont un roman, Yolanda traduit par Valérie Zenatti, paraîtra en français pour la première fois chez Stock en février prochain. Et chaque année, j’échoue à faire venir un Palestinien car ils posent comme condition impérative de ne pas inviter d’auteur israélien. Ce que j’ai refusé bien évidemment et l’on en est resté là. Ce qui ne m’a pas découragé de chercher à nouveau pour l’édition 2011 un Palestinien de l’intérieur qui ne soit pas pour autant un Arabe israélien. J’ai donc trouvé Najwan Darwish, un poète et critique littéraire né en 1978, qui vit près de Jérusalem, dans la région explosive de Guilo, dont un recueil de poèmes est paru sous le titre Je me lèverai un jour (éditions Al-Feel). Et comme il craignait que son français ne soit pas assez précis, j’ai également fait venir son traducteur le libanais Antoine Jockey, d’autant que les questions de traduction devaient également être débattues. Lors du dîner d’ouverture, je les ai pris à part et je les ai présentés l’un à l’autre. Darwish a serré la main que lui tendait Sakal en lui demandant en anglais : « Tu as servi dans l’armée ? Quelle unité ? Quand ? Où ? Pour moi, tu es le soldat d’une armée d’occupation fasciste alors je te pose la question ». Après cette mise en jambe, l’atmosphère s’est un peu détendue, la conversation s’est engagée et a duré une vingtaine de minutes. Avant de se séparer, Sakal a dit à Darwsih : « Demain au colloque, lorsque tu me croiseras, si tu me parles, respecte-moi comme individu et adresse-toi à moi comme tel ». Le lendemain, une table ronde avait lieu sur le rôle des écrivains arabes dans les révolutions de l’année écoulée. Le programme, imprimé il y a trois mois, comportait des erreurs aussitôt corrigées sur le site d’Ecrimed ; parmi celles-ci, outre la présence annoncée d’Adonis, Juan Goytisolo ou Angelo Rinaldi, dont on enregistra aussitôt après les défections, il y avait également la présence de Mosche Sakal dans ce débat, alors qu’en tant qu’Israélien, il n’y avait rien à y faire et, d’ailleurs, ne tenait pas à en être; l'absence d'un écrivain syrien était plus regrettable. Quelques instants avant le débat, plusieurs écrivains arabes vinrent quand même me prévenir que si d’aventure un Israélien devait débattre avec eux, ils préféraient se retirer. « Je ne dialogue pas avec celui qui occupe mon pays, c’est une question d’éthique, sans parler des problème qui m’attendent avec le Hamas » avança le Palestinien. « La loi de mon pays m’interdit tout contact avec un Israélien sans parler des problèmes qui m’attendent à mon retour avec le Hezbollah » ajouta le Libanais. « Les institutions culturelles et littéraires de mon pays boycottent la normalisation avec Israël et je les suis » précisa l’Egyptien. A quoi je répondis : « De toutes façons, un tel débat n’est pas prévu. Cela dit, si il y a bien un endroit neutre où vous auriez pu vous parler en toute liberté, c’est bien ici, à Marseille. Aussi , si je comprends votre position de principe, j’en regrette la raideur. ». Non sans ajouter : « Tout cela, c’est un air connu. Mais toujours à voix basse. Alors si vous le voulez bien, cette fois, vous allez l’assumer en public ». Aussi ai-je ouvert la séance en rapportant cette conversation et en demandant à chacun de s’expliquer. Ce qu’ils firent. Cela provoqua les applaudissements d’une moitié de la nombreuse assistance, et les huées de l’autre ; une dizaine de personnes quittèrent ostensiblement les lieux pour marquer leur désapprobation, mais revinrent plus discrètement quelques instants après. A la tribune, le Marocain Tahar Ben Jelloun, le Libyen Kamal Ben Hamada et le Normand Franz-Olivier Giesbert (Le Point étant partenaire de la manifestation et son directeur un marseillais d'adoption) dénoncèrent vivement, chacun à son tour, une telle attitude, surtout entre écrivains, tout en assurant que cela ne les empêcherait en rien de condamner la politique de colonisation du gouvernement israélien. Puis on passa au débat sur le printemps arabe. Une heure plus tard, au moment rituel de passer la parole à l’assistance, j’ai tenu à confier le micro en priorité à Mosche Sakal, plusieurs fois mis en cause, qui avait assisté au débat assis juste derrière moi. Debout face au public, il s’est exprimé calmement durant une vingtaine de minutes ; peu après, il a rencontré ses nombreux lecteurs à son stand. Le lendemain, il a participé comme prévu à un débat sur la traduction au cours duquel il a longuement parlé de la littérature israélienne, laquelle était décidément à l’honneur puisque le prix Ecrimed 2011 de la traduction avait été remis lors du dîner d’ouverture à Sylvie Cohen, traductrice d’Amoz Oz, A.B. Yehoshua et de David Grossman pour son travail sur Une Femme fuyant l’annonce. Et tous les écrivains sans distinction ont déjeuné et dîné ensemble à plusieurs reprises au cours de ce week-end particulièrement réussi de l’avis unanime, sur le Vieux-Port ensoleillé.

Pas plus d’écrivain expulsé que de sardine bouchant l’entrée du port. Voilà tout. Le reste relève du fantasme et du montage. Cela dit, dès demain, juré promis, républicaines et républicains, on ne reparle que de livres.

("Le président de la République des livres, Antoine Jockey, Najwan Darwish, Franz-Olivier Giesbert", "Mosche Sakal, accompagné de son éditrice Marie-Pierre Gracedieu, juste avant son intervention", "Le débat sur le traduction", "Les écrivains ensemble pour la photo de famille, malgré tout" reportage photo Olivier Monge)

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