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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 10:22

     Il y a comme ça des gens dont la mémoire précède la naissance. Une vieille sagesse juive raconte ça. Des individus de ce type, on en connaît trois à Paris, trois achkénazes qui ont mis leur plume au service de ce monde-là. Des Juifs venus de là-bas échoués par ici, qui ont tout perdu sauf l’accent. course.1279616609.jpgCe trio est constitué du dramaturge Jean-Claude Grumberg, du regretté nouvelliste Cyrille Fleischman et du documentariste Robert Bober. Ce dernier avait fait une entrée fracassante en littérature en 1993 avec Quoi de neuf sur la guerre ? Puis il y eut Berg et Beck suivi de Laissées-pour-compte. On y sentait passer un doux vent mélancolique, avec ce qu’il faut d’humour et de tendresse pour ne pas sombrer dans la tristesse. Cette fois, pour le titre de son nouveau roman, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux (284 pages, 17 euros, Pol), il s’est servi dans Plupart du temps de Pierre Reverdy. Juste le titre. Pour le reste, il doit tout à Jules et Jim. Le livre d’Henri-Pierre Roché, le film de François Truffaut. Le sien raconte des histoires à travers une histoire. Celle de sa mère. Elle a vécu presque la même chose. Ce qui renvoie un étrange écho. D’un côté Jules, Jim et Catherine. De l’autre Yankel, Leizer et maman. Yankel s’est dissipé en cendres dans le ciel d’Auschwitz, Leizer s’est carbonisé dans le vol Paris-New York qui coûta la vie à Marcel Cerdan, maman est restée là avec son chagrin et son fils, le narrateur. Il faut Truffaut pour qu’elle sorte de son silence et qu’elle raconte son secret. Ce que c’est d’avoir aimé deux hommes et d’avoir perdu son Jim après avoir perdu son Jules. Nous sommes dans les années 60, déjà dans le tourbillon de la vie. La guerre n’est pas si loin encore. On dirait qu’il y a eu comme un trou noir.32343-robert-giraud-1953-n-gatif-hd_1197232459.1279616525.jpg

Dans ce monde-là, où l’on ne cesse de vadrouiller autour de son passé, lorsqu’on se souvient d’un nom, l’adresse suit juste après. On chante le Temps des cerises. On sait, mais pour combien de temps encore, le sens du mot « guinguette ». On ne peut remonter Belleville sans être envahi par des souvenirs d’école. On est parisien comme seuls ces yids-là savaient l’être.


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