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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 08:15

 

LE-MONDE-D-HANNAH.jpgA la veille de la Deuxième Guerre mondiale un jeune couple, venant d’Istanbul, immigre à Paris, espérant trouver le bonheur dans le pays des droits de l’homme. Haïm, Cécile et leur fille Hannah connaîtront les horreurs de l’occupation allemande, les lois raciales de Vichy, les rafles, le zèle criminel de la police française aux ordres des nazis et des collaborateurs et l’indifférence, voire l’hostilité d’une partie de la population

Haïm Behar, son épouse Cécile et leur fille Hannah habitent un petit appartement de la rue Popincourt dans le onzième arrondissement où vivent plusieurs familles judéo-turques, artisans, petits commerçants, colporteurs. Haïm est né en Turquie, Cécile en Roumanie tandis qu’Hannah est née en France.

Une menace grandissante

La première étape de leur calvaire est la déclaration au commissariat de police, obligatoire sous peine de poursuites, déclaration qui conduit à apposer le tampon « Juif », en rouge, sur sa carte d’identité à partir de l’âge de six ans. Haïm en sera dispensé en tant que citoyen turc : la Turquie, qui conserve des relations diplomatiques avec l’Allemagne d’ Hitler, défend les titulaires du passeport turc, mais pas leurs familles.

Suivent l’attribution de l’étoile jaune qui doit être bien visible, cousue et non agrafée au vêtement, les déplacements dans le dernier wagon du métro, l’interdiction d’exercer de nombreuses professions, la mise sous tutelle des commerces, les brimades à l’école …, puis les arrestations dans la rue au cours de rafles ou à domicile, le transport à Drancy prélude à la déportation et aux chambres à gaz, qui n’épargnent ni les enfants, ni les vieillards..

L’éclatement des familles

Certains Juifs tentent de fuir vers la zone libre ou mieux la Suisse ou l’Espagne. D’autres, comme les Behar cherchent à mettre leurs enfants à l’abri dans une institution catholique, ou dans une famille chrétienne en province. Dans un deuxième temps, Cécile et Hannah parviennent à gagner la Turquie.

La libération sera pour quelques uns l’heure des retrouvailles, pour d’autres le deuil après de longs mois d’attente, d’espoirs déçus, le deuil d’un ou de plusieurs êtres chers, morts sans sépulture.

 Un récit bouleversant

Ce livre ne se borne pas à raconter la vie d’Hannah : c’est aussi et surtout une réflexion sur l’amitié, amitié-passion d’Hannah et de Suzon, sur l’absence, le deuil, l’amour, le rapport aux parents …

Le ton est sobre, non larmoyant : la seule description concise des événements suffit à bouleverser le lecteur.

Tout est vrai, juste, sensible. L’intérêt ne faiblit à aucun moment.

Nicole Benaïm, cosignataire de ce compte-rendu, a vécu cette période de la « France des années noires* » : elle affirme que l’atmosphère de l’époque est parfaitement rendue par Ariane Bois. La romancière a certainement interrogé des témoins, dont elle a rapporté fidèlement le souvenir et a sans nul doute consulté des archive lui permettant de nous faire découvrir des faits peu connus, des faits surprenants.

Des faits peu connus, des faits surprenants**

Des trains pour la Turquie.

Ariane Bois nous apprend que sous la pression des autorités turques, les autorités allemandes avaient autorisé des familles judéo-turques à  quitter Paris à destination d’Istanbul dans des convois spéciaux traversant l’Europe jusqu’au Bosphore

Une pétition inimaginable contre les survivants

L’auteur nous révèle aussi que des rescapés, qui cherchaient légitimement à reprendre possession de leurs appartements, se heurtèrent à la résistance des nouveaux occupants. Ces derniers auraient réuni 14000 signatures dans une pétition de protestation et auraient même, au cours d’une manifestation publique, conspué les juifs de retour.

L’après-guerre, des révélations tardives

L’auteur brosse un tableau de la France libérée où s’épanouit Hannah, devenue une brillante élève du CFJ (centre de formation des journalistes). Et nous voici plongés dans le nouveau monde d’Hannah, la presse avec l’agitation des salles de rédaction au moment du bouclage, les exigences d’un grand patron, les enquêtes et les interviews, les grands reportages : mariage princier à Monaco, couronnement royal à Londres, campagne militaire dans le Sinaï, tout cela décrit avec une exactitude qui suppose une connaissance intime des milieux de la presse écrite.

Cette deuxième partie, centrée sur Hannah, n’altère pas l’unité du roman. : dans les dernières pages, l’héroïne retrouve les noms de ses proches disparus en consultant les dossiers du Mémorial de la Shoah. Elle y apprend la complicité du père de sa meilleure amie et laisse éclater sa colère contre cet employé de la RATP qui s’était bien gardé de prévenir ses voisins de l’imminence d’une rafle dans le quartier, à l’image de tous ces fonctionnaires et policiers français qui avaient contribué à la déportation de 76000 Juifs et qui, pour la plupart n’ont pas été inquiétés à la libération.

Ces révélations plongent Hannah dans une dépression profonde, alors même qu’elle est reconnue comme un excellent reporter.

« Le poids du passé, telle une gigantesque gifle, l’empêchait de se relever » ***

                                                                                              *

Nous avons aimé ce livre, l’évocation de ces années terribles, nous avons aimé son héroïne, une âme pure portant un jugement implacable sur les acteurs, les seconds rôles de ce drame de l’histoire.

Source

Ariane Bois « Le monde d’Hannah » Roman 284 pages. 19 Euros Editions Robert Laffont 2011

Illustrations

1 - Page de couverture du livre d’Ariane Bois

2 – Ariane Bois

Notes

* C’est le titre d’un ouvrage de référence publié sous la direction de JP Azéma et F. Bédarida

** Ces faits ont été pour nous une révélation. Nous souhaiterions que dans des une prochaine édition, des notes de bas de page nous en précisent les sources

***Page 250

Par Nicole et Paul Benaïm pour Guysen International News - Samedi 3 décembre 2011 à 22:14

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