http://passouline.blog.lemonde.fr/2010/09/29/qui-etait-vraiment-magda/
Il ne faut pas toujours se fier aux titres. Certains même, assez bartlebyens dans leur genre, préfèreraient ne pas. Par principe. S’agissant du nouveau roman de Tobie Nathan Qui a tué Arlozoroff ? (425 pages, 20,90 euros, Grasset), ce serait même recommandé. Non que le titre soit mauvais mais il enduit d’erreur (je sais, je sais, mais c’est une licence, on s’autorise parfois de ces choses…). Tout le monde ne sait pas que dans la vie quotidienne israélienne, lorsque “Qui a tué Arlozoroff ?” intervient dans une conversation, c’est un code signifiant qu’il n’y a pas de réponse… Car au fond, l’élucidation de l’assassinat du dirigeant sioniste travailliste Haïm Arlozoroff sur une plage de Tel Aviv le 16 juin 1933 est somme toute une question historique assez éloignée de nos préoccupations, le disparu eut-il été promis au destin de premier président de l’Etat d’Israël comme on l’a souvent dit. En bon lecteur de polar, l’auteur la ficèle très bien, en la composant à la manière d’un journal, avec ce qu’il faut de chausse-trapes, de faux-semblants et surtout de mystères car on a tout écrit et son contraire à propos de cette affaire. Qui a tué : des sionistes révisionnistes (extrême-droite) ? Des Arabes ? Et qui a tué soixante-quinze après, dans les jardins de l’ambassade de France à Jaffa, un vieil homosexuel qui avait été le jouet des SS au camp ? Et que cherche exactement ce reporter français derrière toute cette histoire ? Très vite, on se rend compte que ce roman palpitant en contient un autre en creux. Il tient à la personnalité de la véritable (anti)héroïne de cette histoire, autrement plus complexe et troublante que le rôle-titre. Elle s’appelait Magda. C’est là que… Cherchez la femme, comme toujours.
Directeur du département politique de l’Agence juive, il quitta la Palestine pour l’Allemagne nazie afin d’y négocier en secret ce que les historiens appellent “des accords de transfert”. Ils furent signés le 25 août 1933 entre la Fédération sioniste d’Allemagne, l’Anglo-Palestine Bank et les autorités économiques du tout nouveau régime national-socialiste. Au terme de marché, les Juifs allemands pouvaient émigrer en Palestine à condition d’abandonner tous leurs biens, quitte à ce que ceux-ci leur soient rendus plus tard, exportés vers la Palestine en qualité de marchandises allemandes. 60 000 juifs et 100 millions de dollars furent ainsi transférés. C’est là qu’intervient la piste Magda. Elle était née Magda Behrend. Cette Allemande émancipée et ambitieuse, dont la mère s’était remariée avec un entrepreneur juif, se lia au lycée d’une forte amitié avec Lisa Arlozoroff, la soeur du futur dirigeant. Ensemble, elles militaient dans le mouvement sioniste, portaient une étoile de David en sautoir, apprenaient l’hébreu. Jusqu’à ce qu’elles se perdent de vue. Dans son roman, Tobie Nathan creuse le portrait de celle dont il n’hésite pas à faire la maitresse d’Arlozoroff. C’était jusqu’alors une hypothèse et un secret mal gardé. Là où cela devient intéressant, c’est quand le dirigeant sioniste s’installe à Berlin pour négocier les fameux accords. Il revoit son ex, divorcée d’un premier mari, le richissime chevalier d’industrie Günter Quandt, devenue entre temps… l’épouse du ministre de la Propagande Joseph Goebbels, avec Adolf Hitler pour témoin de mariage. Elle qui aspirait à devenir “une déesse d’enfer”, c’était réussi. Que Mme Goebbels ait eu un amant juif faisait tache. D’où la nécessité de le faire éliminer sur son territoire en armant le bras d’un exécuteur (mais de là à imaginer qu’elle était présente en Palestine le 15 juin, à la veille de l’assassinat…) [...]
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