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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 13:35

nemirovskyhttp://www.lepoint.fr/culture/ecrivains-sous-l-occupation-voir-et-comprendre-13-06-2011-1341409_3.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20110613

 

Quel fut le rôle des écrivains et intellectuels français dans la période tragique de l'Occupation ? Leurs tentations, leurs hésitations, leurs combats, leurs lâchetés, et comment vécurent ceux, prisonniers, déportés, qui étaient confrontés à l'inéluctable ? Cette exposition historique à double titre, qui voyage depuis trois ans et a connu un grand succès à New York, s'arrête à l'hôtel de ville de Paris. Elle est gratuite et il ne faut pas la manquer.

C'est d'abord la presse, à travers les unes des journaux de tous bords, qui raconte ces années noires. Et, à un autre niveau déjà, les revues, qui tissèrent un réseau dont on peine aujourd'hui à mesurer l'importance... Une grande carte de Paris littéraire situe les lieux d'une intense activité toutes professions confondues. Et, au long des travées, 800 pièces d'archives donnent à comprendre et à ressentir les enjeux aussi nombreux qu'énormes de cette période.

 

Éluard et Mounier contre Drieu La Rochelle et Céline

On doit cette profusion, rigoureusement maîtrisée par période et par thème, à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine, qui a rarement aussi bien porté son nom, puisant dans ses fonds d'archives (écrivains, éditeurs, presse...) des documents de diverses natures, correspondances, photographies, papiers administratifs, manuscrits et jusqu'aux impressionnantes boîtes en bois contenant les fiches de la liste Otto.

Suivre les itinéraires singuliers plutôt que d'opposer les grands noms de la Résistance, Pierre Seghers, Paul Éluard, Pierre Emmanuel, Emmanuel Mounier ou Max-Pol Fouchet, à ceux de la Collaboration, Céline, Drieu La Rochelle ou Jouhandeau, tel est le parti pris d'un parcours qui demande temps et attention, mais c'est la condition d'une cartographie nuancée. Les différentes parties, de "Résister" à "Solidarités internationales", attendent le visiteur, guidé dans chacune par des cartels clairs et détaillés, qu'il s'agisse de L'honneur des poètes (éditions de Minuit) ou encore de l'histoire de la célèbre NRF.

 

"Il s'apprête à tirer le rideau sur lui-même"

À ce sujet, il faut s'approcher de la vitrine consacrée à Drieu La Rochelle pour lire ses échanges avec Maurice Sachs, et ce témoignage sur l'intellectuel que son choix va condamner : "Il s'apprête à tirer le rideau sur lui-même." Lire aussi cette lettre que Georges Hyvernaud, prisonnier, écrivit à sa petite-fille et ne lui enverra pas : "Jouer aux idées, cela m'est arrivé à moi aussi. Autrefois. Ce n'est pas tellement difficile : tout le secret est de faire comme si la réalité n'existait pas. Mais quand on y est en plein, dans la réalité, on ne se dit plus que deux ou trois choses banales. Deux ou trois choses qui comptent vraiment. Évidentes, essentielles. Des choses sérieuses. Nées d'une expérience sans tricherie. Des choses d'homme. Le reste, bon pour les singes de salon ou d'académie."

Lire encore, sous la plume de Marguerite Duras, ces mots à Robert Antelme : "Tu es vivant." Il faudrait tout lire ! Heureusement, le catalogue réédité par Taillandier attend le visiteur pour retrouver les moments d'émotion qui l'auront parfois pris à la gorge en se penchant sur les vitrines, et pour explorer plus avant cette matière incomparable. À l'hôtel de ville, ces temps-ci, l'occupation a des visages humains, quels qu'ils soient. L'archive dans sa distance et sa proximité mêlées, telle que la présentent ici Claire Paulhan, historienne de la littérature et petite-fille de Jean Paulhan, Olivier Corpet, directeur de l'Imec, et Robert Paxton, historien spécialiste de cette période et professeur émérite à la Columbia (University), donne, véritablement, à penser.

 

Par Valérie Marin La Meslée


"Archives de la vie littéraire sous l'Occupation", jusqu'au 9 juillet. Hôtel de ville de
Paris, accès libre. Tous les jours sauf le dimanches et les 20 et 21 juin,
de 10H à 19H. Catalogue Taillandier, 446 pages, 39,90 euros.

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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 08:04

BOYARIN.jpgPresentation de l'Editeur (Cerf)

 

Dans ce livre innovant, Daniel Boyarin met en cause le modèle d'une partition entre deux entités clairement distinctes qui seraient d'une part le judaïsme rabbinique et d'autre part le christianisme des Pères de l'Église. Il montre que la plupart des marqueurs de différence (l'idée d'une seconde hypostase divine, la théologie du Logos, ou les pratiques culturelles comme le shabbat ou le rôle des femmes) étaient partagés par des juifs et des chrétiens et récusés par certains juifs et certains chrétiens.

 

Ce n'est qu'au cours d'un long processus volontaire des autorités naissantes de ces groupes que ces marqueurs d'identité sont devenus soit « juifs » soit « chrétiens » en excluant les dissidents qui avaient des pratiques ou des théologies hybrides. Le « concile » rabbinique, dit de Yavneh, comme en écho au concile chrétien de Nicée, a permis de situer dans le passé le moment de la « création » des concepts d'hérésie (ou « minut » pour le rabbinisme) et d'orthodoxie qui remontent en pratique au tournant du IIIe siècle.

De part et d'autre de la frontière naissante, certains jouèrent le rôle de douaniers pour contrôler les identités ; certains aussi, et parfois les mêmes, étaient contrebandiers, faisant passer des concepts d'un côté à l'autre ; des deux côtés, les autorités cherchaient en effet à asseoir leur pouvoir et à rendre la frontière plus étanche...

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9 juin 2011 4 09 /06 /juin /2011 08:35
COHEN-SOLAL.jpgPrésentation de l'éditeur (L'Atelier)
Jérusalem, un espoir pour la jeunesse ? Comment une ville déchirée par de violents conflits politiques et religieux peut-elle être un symbole d'avenir ? Durant trois ans entre Jérusalem et Paris, et à travers trente-deux lettres adressées à des amis, Henri Cohen Solal a pris à bras-le-corps les questions des jeunes de toutes nationalités qu'il a rencontrés : à quoi bon s'accrocher à cette ville disputée par trois religions monothéistes alors qu'internet permet de se relier à tous les humains connectés en un clic ? Pourquoi donc prôner la paix quand on vit chaque jour sous la menace des bombes et des roquettes ? Que faire de la fraternité universelle face aux nationalismes ? Que faire de sa vie quand toutes les relations sont rompues avec les parents ? Pourquoi vivre si c'est pour faire face au no future ? Cofondateur des maisons de Beit Ham qui accueillent en Israël depuis trente ans, sans distinction, des adolescents arabes, juifs, et de tous horizons ou nationalités, Henri Cohen Solal appelle à sortir de l'enfermement de la violence et à dépasser le désespoir. Sans s'ériger en donneur de leçons, il invite chacun à découvrir un chemin de confiance et de vie. Alors Jérusalem peut devenir une source d'espoir et d'humanité pour tous ceux qui témoignent qu'il est possible de vivre ensemble. Shalom, Salam...
Biographie de l'auteur

Citoyen français et israélien, Henri Cohen Solal est psychanalyste et éducateur. Avec des amis, il a fondé, au milieu des années 1980, l'association Beit Ham qui accueille dans vingt-cinq maisons-clubs des adolescents arabes et juifs en situation de précarité. Engagé dans le dialogue interculturel en France et en Israël, il anime le collège doctoral Paris-Jérusalem sur le thème de la médiation entre le sujet et l'institution, en relation avec des universitaires européens, français, israéliens et palestiniens.

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 08:23

Taguieff-Israel.jpgPrésentation de l'éditeur [Les provinciales]:


« Antisionistes de tous les pays, unissez-vous ! » Le conflit israélo-palestinien paraît plus vaste et oppose à des « criminels professionnels » la multitude intrépide des innocents mobilisés. Car s’affirmer « pour la Palestine » c’est se placer dans le camp du Bien : « il n’y a pas de cause plus émouvante », et la vraie religion communiste c’est la lutte finale contre ce dernier racisme : au XXIe siècle le monde sera sans le sionisme.

Car comment faire la paix avec cet État supposé raciste, dominateur, intrinsèquement pervers, Israël, et comment faire entendre raison à ce peuple à la nuque raide, qui s’arroge le droit, sûr de lui-même, au retour seul ? Comment détruire le sionisme sans éliminer tous les sionistes et abolir leur rêve d’une souveraineté juive sur la sainte terre ? « Nous avons libéré la bande de Gaza, mais avons-nous reconnu Israël ? » demande le Hamas, et on connaît la réponse : « pour les Palestiniens la mort est devenue une industrie… » Déjà la Shoah n’est plus qu’un mince rempart idéologique, qui paraît avoir été un mythe odieusement fabriqué pour effacer la mémoire de la Naqba. « Tout redevient possible, tout recommence », et devant la seule nouveauté de l’histoire les « indignés » déjà ne s’émeuvent plus.

Dans ce livre magistral, Taguieff donne la leçon ultime : celle qui permet une dernière fois de reprendre ses esprits en contemplant le rêve brisé de l’Occident avant le grand soir. Parce qu’elle nous place devant l’abîme elle nous rend libres, et parce qu’elle ressemble à la vérité elle peut redonner le goût, et peut-être la force, de vivre. Jamais on n’aura été aussi bien renseigné. Le maximum que vous puissiez demander à l’histoire.»

Olivier Véron



À paraître courant juin 2011


Pierre-André Taguieff
ISRAËL et la QUESTION JUIVE
Éditeur : Les Provinciales

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6 juin 2011 1 06 /06 /juin /2011 19:58

ANTISEMITISME-DE-BUREAU.jpg

En 1999, sous le titre L'Antisémitisme de plume (Berg International éditeurs), les historiens Pierre-André Taguieff, Grégoire Kauffmann et Michaël Lenoire avaient publié une passionnante étude rassemblant quelques-uns des textes les plus abjects rédigés contre les juifs pendant l'Occupation. On y croisait à toutes les pages ceux qui, pour reprendre l'image utilisée par le journaliste Lucien Rebatet dans ses Mémoires d'un fasciste, avaient décidé de faire la guerre non avec des fusils, mais à coups de porte-plume.

Douze ans plus tard, sous un titre proche, L'Antisémitisme de bureau, Laurent Joly aborde cette même période 1940-1944 sous un angle très différent. Ses collègues avaient fouiné dans les numéros d'Au Pilori ou de Je suis partout ; lui a fouillé dans les archives de la Préfecture de police de Paris et du Commissariat général aux questions juives. Leurs protagonistes étaient des journalistes et des pamphlétaires bien connus à l'époque ; les siens sont d'obscurs fonctionnaires dont les noms n'ont jamais eu les honneurs de la presse ou des livres d'histoire. Les bardes de la haine antijuive d'un côté ; les soutiers de la persécution de l'autre.

LÉGION DE GRATTE-PAPIER

Inutile de dire que nous sommes loin, ici, du Tout-Paris de la collaboration. Ni l'ambassade d'Allemagne ni l'Hôtel Meurice ne font partie du décor, et sur la scène n'apparaît ni un Doriot ni un Brasillach. Là où le jeune historien nous entraîne, c'est au coeur de deux bâtiments dont les façades n'ont jamais porté de croix gammée, où les gratte-papier étaient légion et les sommités fort discrètes.

Le premier se trouve place des Petits-Pères, dans le 2e arrondissement : c'est dans cet immeuble situé à deux pas de la Bourse et du Palais-Royal que s'est installé, en 1941, le Commissariat général aux questions juives, l'organisme chargé d'appliquer la législation antisémite du régime de Vichy, notamment en matière de spoliations. Le second est la caserne qui abrite la Préfecture de police, sur l'île de la Cité : c'est là, au 3e étage de la galerie ouest, dans le bureau 91, au débouché d'un escalier qu'ils étaient obligés d'emprunter (un panonceau, au rez-de-chaussée, leur interdisait l'usage de l'ascenseur), que des milliers de personnes défilèrent pour se faire contrôler par les agents de la "sous-direction des affaires juives".

De cette minutieuse plongée dans la machine bureaucratique, qui rappelle la formidable enquête du sociologue Alexis Spire sur les fonctionnaires chargés d'appliquer la politique migratoire de la France (Etrangers à la carte, Grasset, 2005), Laurent Joly tire la conclusion la moins rassurante qui soit : à de rares exceptions près, ceux qui appliquèrent au quotidien la politique antisémite du régime de Vichy étaient tout sauf des antisémites.

Bien sûr, ceux-ci étaient présents, et l'historien montre bien comment des fonctionnaires à la carrière jusque-là sans relief ont pu bénéficier, sous l'Occupation, de promotions qu'ils n'auraient jamais obtenues si la République avait survécu. Mais les cas de ce type, tel celui d'André Broc - entré en 1939, à l'âge de 30 ans, comme simple rédacteur à la Préfecture de police et promu trois ans plus tard "sous-chef chargé de l'examen de la qualification juive" (il faut dire qu'il avait entre-temps soutenu une thèse de droit intitulée "La qualité de juif"...) -, n'étaient pas les plus nombreux. Comment l'expliquer ? Laurent Joly - c'est là tout l'intérêt de sa réflexion - ne se contente pas d'invoquer la fameuse tradition d'obéissance des fonctionnaires. Il tient à en interroger les ressorts et les logiques cachées ; bref, tout ce qui fait que l'obéissance n'est pas vécue comme une contrainte, mais qu'elle s'impose de façon douce, naturelle, presque avec évidence.

 

"PATRIOTISME INSTITUTIONNEL"

A cela, trois explications. La première relève de la continuité. Comme le rappelle l'historien, la sous-direction des affaires juives de la Préfecture de police est née au sein de la sous-direction des étrangers et des passeports, qui existait avant la guerre. Pour les agents, le travail au quotidien était le même (vérifications d'identité, établissement de fiches, etc.), et l'élargissement de leur "clientèle" n'a pas été vécue par eux comme un bouleversement. En somme, l'impression de travailler comme avant les a empêchés de voir que rien, justement, n'était plus comme avant.

La deuxième explication tient à ce que l'auteur qualifie de "patriotisme institutionnel". Sous l'Occupation, ces fonctionnaires étaient en relation constante avec les Allemands. Ces relations parfois difficiles, faites de négociations sans fin, donnèrent à beaucoup l'illusion qu'ils résistaient comme ils le pouvaient à la pression de l'occupant. L'idée qu'ils étaient eux-mêmes victimes des Allemands, comme le montre Laurent Joly en se référant au sociologue polonais Zygmunt Bauman, ne les prédisposait pas à prendre conscience qu'ils étaient avant tout les relais des bourreaux.

Dernier point, enfin : le cloisonnement des tâches. Accueillir quelqu'un derrière un guichet pour l'orienter vers tel ou tel bureau, lui faire remplir un formulaire, trier de la paperasse dans une arrière-salle : prise individuellement, aucune de ces missions ingrates et routinières ne paraissait répréhensible. Parcelliser les activités pour diluer le sentiment de responsabilité est évidemment un grand classique. Mais le raconter comme le fait Laurent Joly, en redonnant vie au moindre commis ou à la plus simple secrétaire, a rarement été fait avec autant de précision. Oui, peu d'historiens avaient réussi à pénétrer aussi profondément et aussi rigoureusement au coeur de la machine à décriminaliser le crime.

Thomas Wieder

http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/06/02/enquete-chez-les-soutiers-de-la-persecution_1530844_3260.html

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 17:06

FONTANELLE-SHALEV-copie-1.gifNourri de Cervantès et de Gabriel Garcia Marquez, l'écrivain israélien Meir Shalev aime les récits dramatiques et cocasses. C'est un amoureux des mots, des bonnes histoires. Un conteur hors pair qui a le don de réveiller les souvenirs : "Le souvenir, c'est lui le responsable de tous les romans en trois tomes", disait un des protagonistes du Baiser d'Esaü (Albin Michel, 1993). De fait, les (épais) romans de Shalev sont presque tous bâtis sur des souvenirs. Que l'on pense à son Pigeon voyageur, qui lui a valu le prestigieux prix Brenner, ou encore à La Meilleure Façon de grandir, sans doute l'un de ses meilleurs livres (Editions des Deux Terres, 2004).

 

Et il n'en va pas autrement pour Fontanelle. A 55 ans, alors que la bien-aimée de son enfance vient de mourir, Michael entreprend de dresser le portrait de sa nombreuse famille, la tribu Yoffé. Il y a David, alias Apoupa, le grand-père. Les tantes : Pnina - assignée à résidence pour ne pas altérer sa beauté - et sa soeur jumelle, Hannah - la mère de Michael. Il y a Batya - qui, après avoir épousé un Allemand, s'est exilée en Australie - et Rachel - qui ne peut se résoudre à dormir seule et raconte des histoires : "Chez nous, (elles) passent de main en main, comme la longue noria des seaux des pompiers." Il y a de nombreux autres protagonistes - le cousin Gabriel, le gendre, les voisins -, mais inutile de compliquer les choses. D'ailleurs, cela posé en prologue, Meir Shalev se joue de nous, écrivant : "Maintenant que tout est clair, je peux commencer."

Soit donc Michael, né au cours de l'été 1947, à la veille de la création de l'Etat d'Israël. Sa mère, inconditionnelle de la santé et du végétarisme, dédaigne les plaisirs. Pis, comme le note avec humour le père du narrateur, "elle a arrêté de mêler mes protéines à ses hydrates de carbone". Ce dernier, Mordechaï de son prénom, multiplie les conquêtes. Et c'est pour ce père, décédé mais adoré, que Michael écrit, délaissant la plume pour l'ordinateur que son fils Uri lui a offert.

"REVENONS À NOS MOUTONS"

Alors, et tandis que sa fille, la belle Alona, court les hommes - sauf ceux qui sont dénués d'humour, ceux qui se montrent pingres ou ceux dont, dit-elle, "le cul est mort" -, Michael apprend le fonctionnement de cette formidable machine qui lui offre la possibilité d'utiliser des slash, des astérisques ou d'insérer des annotations à son propre usage. Le texte en est d'ailleurs truffé : "Revenir plus tard sur sa passion pour les glaces allemandes" ; "La seconde partie de ce paragraphe est trop longue, trop lourde et maladroite. Il faudra abréger et revoir la ponctuation" ; "Revenons à nos moutons, car il faut bien trancher".

Les moutons, difficile d'y revenir tant ils sont nombreux. Mais disons que, encore une fois et pour résumer, c'est l'histoire de Michael qui est toujours amoureux d'Ania, celle qui, le jour de ses 5 ans, lui sauva la vie et lui donna le surnom de "Fontanelle", puisque la sienne - de fontanelle - est restée ouverte, ce qui est à l'origine de son hypersensibilité. Une sensibilité qui lui permet de rendre grâces aux paysages et saveurs de son enfance. Ainsi que de montrer son attachement à son pays "sacré et fou", à sa terre, faite de délicieuses odeurs et de dramatiques chimères. Une fois n'est pas coutume, Meir Shalev signe ici une chronique fantasque, sensuelle et franchement drôle.


Fontanelle de Meir Shalev. Traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, "Du monde entier", 528 p., 25 € Emilie Grangeray

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 15:08

ZENATTI.jpghttp://toutelaculture.com/2011/05/les-mensonges-de-valerie-zenatti-rendent-hommage-a-aharon-appelfeld/

 

Auteure (Les âmes sœurs, Une bouteille dans la mer de Gaza, En retard pour la guerre) et traductrice d’Aharon Appelfeld (voir notre chronique de son dernier roman), la subtile Valerie Zenatti  se lance avec « Mensonges » dans l’exercice difficile d’éclairer ses rapports avec cet immense écrivain israélien qu’elle a presque intégralement porté en Français. Le résultat est un livre sensible, touchant, pudique et en même temps onirique, qui remet en cause sans aucune tricherie les frontières de l’autofiction. Un grand récit.

 

« Tout écrivain digne de ce nom écrit sur son enfance » affirme Valérie Zenatti dès la première partie de « Mensonges » (p. 12). Si Appelfeld a attendu tard pour se lancer dans cette entreprise à la première personne, sa traductrice décide, dans ce roman, de relever le défi. Elle commence par raconter la vie d’Appelfeld dans son style et à la première personne, avant de dénoncer le mensonge, pour évoquer par la suite quelques moments clés de sa vie d’auteure : la judéité stigmatisante de l’enfance à Nice et le désir de mentir pour être comme les autres, la même impression de dépossession quand il a fallu parler en hébreu, avec le déménagement en Israël de  l’adolescence, la certitude qu’elle ne pourrait pas être journaliste, si cela consistait aussi à parler en direct d’Auschwitz au début de l’âge adulte, puis la rencontre décisive avec l’écriture d’Aharon Appelfeld, au programme de l’agrégation d’hébreu. Entre ces scènes, un seul fil rouge, que Valérie Zenatti a en partage avec le vieil écrivain israélien : le paradoxe que « tout ce qui n’était pas écrit disparaissait de la mémoire et restait à jamais un mystère » (p. 27) et la réalité d’un « essentiel » qui « se trouve dans le non-dit qui ne s’écrit pas » (p. 34).

 

Derrière cette histoire d’amour et de texte entre Appelfeld et Zenatti se profile donc l’ombre de Kafka, l’écriture vitale et néanmoins toujours impossible. Une écriture qui naît avec la rencontre effective du vieux monsieur rempli de questions et d’attention. Pas de testaments trahis, donc dans ces mensonges, même si la traductrice prend son envol et livre dans la deuxième partie du récit la fable de sa présence auprès d’Appelfeld enfant, quand il était perdu et menacé par les loups dans la forêt ukrainienne où il a échoué après s’être enfui d’un camp. Dans cette fable, l’enfant roumain rassure la petite fille française : ils veulent tous deux survivre aux mensonges et aux dangers qui les guettent, même si ces dangers sont sans commune mesure entre l’orphelin fugitif et la française transplantée en langue hébraïque. Délicat, émouvant et authentique, « Mensonges » déroule un récit à cheval entre rêve et autofiction, sans jamais quitter le territoire proprement littéraire de l’authentique.

Valérie Zenatti, Mensonges, L’Olivier, 80 pages, 10 euros. Sortie le 4 mai 2011.

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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 21:03

ANTONiETTI.jpgPRESENTATION DE L'EDITEUR (PERSEE)

 

Résumé : Témoignage issu du regard d’une non-Juive et non-Israélienne, assistant de l’intérieur aux événements touchant Israël; complété par des arguments historiques, ainsi qu’une analyse biblique.

Ce premier tome raconte la prise de conscience de l’auteure de la différence entre l’image d’Israël donnée par les Occidentaux et la réalité vécue par elle en ce pays.

 

L’auteure souhaite rétablir certaines vérités qui lui sont chères.

 Chrétienne corse, l’auteure a découvert la Bible et l’Amour de Dieu grâce aux assemblées évangéliques. Cette révélation lui a permis de créer une librairie biblique qu’elle a gérée 10 ans durant. De là, elle a saisi la place que tenait Israël dans les plans de Dieu. Donc, en 2005, après y avoir effectué plusieurs séjours, elle s’y est installée comme bénévole où elle a été accueillie comme dans une grande famille.

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 11:11

HOFFMANN-Katzchen-72dpi.jpgPRESENTATION DE L'EDITEUR (GALAADE)

 

« Sachant désormais qu’il était un cyclope, Kätzchen examinait le front des gens à la recherche du troisième oeil. »

Sa mère était très belle dans sa jeunesse. De peur qu’elle le quitte, Ernst perdit la raison. Leur fils Kätzchen alla chez la tante Oppenheim. À Vienne, elle chantait à l’Opéra, mais en Palestine, elle mangeait des gâteaux à la crème dans un café du bord de mer.

L’enfant ne savait pas où placer le miroir reflétant l’univers. Il décida que ce qu’il reflétait était bien réel. Il imagina une histoire où les démons finissaient par mourir, et il se souvint que Max le Hongrois était le roi de la mer. Il vit l’oncle Arthur penché en avant, comme si l’oiseau au bout de sa canne étendait les ailes et propulsait son grand corps dans les airs. Suspendu entre ciel et terre, Kätzchen aperçut la mer, et lorsqu’il retomba, elle avait disparu. Il crut que c’était la mer qui montait et apparaissait, descendait et disparaissait.

Les adultes ne comprennent rien à ce qui se passe dans la tête des enfants. Kätzchen s’est forgé un monde rien qu’à lui, où il invente et spécule sur les images, les odeurs ou les langues. Jusqu’au jour où, de nouveau seul, il doit oublier le murmure des vagues de son enfance pour les terres du kibboutz.

« Comme chez Oz, toute une société se met en place, avec ses figures, ses points de fuite, ses mœurs, sa culture, son histoire, la guerre. » – Patrick Kéchichian, Le Monde des Livres

Le Monde des livres consacre une longue critique au roman de Yoel Hoffmann : « Il y a quelque chose d’inouï, de totalement inédit dans cette écriture où en une seule et même phrase se fondent réel et symbolique, pensée et sentiment, temps passés et présents. On en achève la lecture avec un sentiment de tranquillité semblable à celui produit par les haïkus des maîtres zen – l’océan contenu dans une goutte d’eau. » – Eglal Errera, Le Monde des Livres

« On éprouve un certain vertige, comme ébloui par un rêve plus vrai que nature. » – Sean James Rose, Livres Hebdo

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 07:57

BOUANGPRESENTATION DE L'EDITEUR (LES PROVINCIALES)

 

Entraîné à la suite de Dante et de James Joyce dans un livre où il avait eu l’audace d’effectuer longtemps avant sa mort ici bas son Purgatoire*, Pierre Boutang écrivait de son double, « Montalte » : « Son action sur l’époque aurait paru plus nette si seulement il avait accepté de prendre quelque retard, infime, sur son propre mouvement ».

Boutang n’était pas un adepte de la démonstration lente, ni des regrets, cette mélancolie française, et je pense que, parvenus quarante ans après à ce cafouillage politique monstre de l’héritage gaullien, il est permis de rattraper le « retard » de 1967 et d’espérer qu’on prêtera désormais un peu mieux attention à ces textes « tirés des poubelles de l’histoire », mais plus « neufs ce matin que notre journal d’hier ».

Portant donc ce petit livre neuf comme jadis Ulysse sa rame sur l’épaule, il faut partir à la recherche du lecteur capable d’en accueillir sinon d’en accomplir une ou deux prescriptions – puisque ces textes se terminent par la mission assignée par l’Histoire à la France au Proche-Orient. Un général, un diplomate, un prétendant ou un littérateur à défaut d’un esprit vraiment royal justifierait ainsi l’effort qui consiste à relire et à relier ces textes, mais surtout à les avoir écrits (après six cents autres) pour La Nation Française*, avant que le Tsunami littéraire n’emporte dans sa révolution le monde qui continue d’ignorer la parole murmurée dans le chaos grandissant. « Qui cite ses maîtres hâte la venue du royaume », dit le Talmud, hâtons-nous.

Olivier Véron, Les provinciales

La Guerre de six Jours, par Pierre Boutang


* Philosophe, théoricien politique et romancier, homme de la trempe d’un Jünger, Pierre Boutang (1916-1998) fonda et dirigea de 1955 à 1967 La Nation Française, hebdomadaire dans lequel il écrivit chaque semaine ses « Politiques ». Puis il publia notamment Ontologie du secret (1973), Le Purgatoire (1976), Reprendre le pouvoir (1978), Maurras, la destinée et l’œuvre (1984) et succéda à Emmanuel Levinas à la chaire de métaphysique de la Sorbonne en 1976. « L’un des plus grands esprits de ce siècle » (Le Figaro), « auteur d’une œuvre multiforme et tempétueuse… d’une force de conviction et cohérence peu communes, et d’une imprudence qui se souciait peu des modes » (Le Monde). « Tout ce qui touche Pierre Boutang m’honore », aime à dire George Steiner.

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