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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 11:53
antisemitismes-francais.gifPRESENTATION DE L'EDITEUR (LE BORD DE L'EAU)
Pourquoi ce livre ? Un ouvrage synthétique, accessible à tous, adolescents comme enseignants n'existe pas. Cette vulgarisation du sujet permettra à tous de se faire rapidement une idée sur la question et de trouver également certaines réponses à leurs interrogations.
Chaque chapitre est consacré à une période symptomatique, il analyse les particularités de chaque phase. Tout en fournissant le maximum d’information, l'auteur s'est efforcé de ne pas écrire plus de 25 à 30 pages pour chaque chapitre. Évidemment, les intervalles dits «calmes» en matière d’antisémitisme sont traités plus succinctement que les époques de grandes crises. Ce livre est bien un panorama.

Cet ouvrage présente les différents courants idéologiques et manifestations de l’antisémitisme en France depuis la Révolution française jusqu’à nos jours. Cette étude chronologique analyse, période par période, la spécificité et l’expression de l’idéologie antisémite. De la tendance révolutionnaire opposée à l’octroi de la citoyenneté aux Juifs résidant en France jusqu’à l’alliance des altermondialistes avec les tenants d’un Islam radical, d’un Napoléon à un autre, du socialisme farouchement opposé au «règne des banquiers» jusqu’au réveil nationaliste du 19ème siècle, de l’affaire Dreyfus à l’antisémitisme d’Etat durant Vichy, ce livre étudie avec minutie l’ensemble des opinions et expressions d’une haine séculaire. Il démontre, entre autres, que, contrairement à l’Allemagne ou à l’ensemble des pays de l’Europe de l’Est, l’antisémitisme en France est souvent (à l’exception du Régime de Vichy) un phénomène mineur qui n’a pas de répercussion politique majeure. De même, l’antisémitisme n’empêche pas le judaïsme français de jouir d’une intégration modèle, preuve en est le rayonnement de la France dont le modèle est envié par l’ensemble des communautés juives dispersées en Europe avant la Seconde guerre mondiale. Ce livre, écrit dans un style clair et précis, aborde également la question des réactions des dirigeants de la communauté juive face aux différentes vagues d’antisémitisme qui ont marqué l’histoire française.
David Shapira est historien et journaliste. Il a publié la biographie Jacob Kaplan – Un rabbin témoin du XXème siècle (Albin Michel, 2007).
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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 12:07

TEL-AVIV-DANS-LES-ANNES-30.jpgDans des pages inédites en français de son Autobiographie (qui devrait paraître en France à l’automne), Zeev Jabotinsky décrit sa visite chez son ami Dizengoff en 1909 et leur promenade sur les dunes de Jaffa. « Nous construirons ici un faubourg juif », promet le futur maire de Tel-Aviv au jeune dirigeant sioniste, en désignant du doigt l’emplacement de la future métropole… Cent ans plus tard,  Tel-Aviv est au cœur de la vie culturelle israélienne et de nombreuses œuvres littéraires la prennent pour cadre. Cette ville sortie du sable, qui s’est construite quasiment ex nihilo, occupe depuis un siècle un rôle majeur dans la littérature israélienne du Yichouv, puis de l’Etat, que nous allons illustrer à travers quatre auteurs emblématiques de leur génération : S.J. Agnon, Yaakov Shabtaï, Etgar Keret et Orly Castel Bloom.

 

Tel-Aviv avant Tel-Aviv : Agnon et la première ville sioniste

agnon-photo-david-rubinger.jpgSamuel-Joseph Agnon (1888-1970) est sans conteste le plus grand écrivain israélien du 20e siècle, et son œuvre a inspiré et inspire encore d’innombrables auteurs des générations suivantes. Son plus grand roman, Le chien Balak (en hébreu, Hier et avant-hier), est construit tout entier sur la dualité et l’opposition entre Tel-Aviv/Jaffa et Jérusalem, deux villes qui incarnent respectivement le « nouveau Yichouv » et l’Etat juif en construction d’une part, et le « vieux Yichouv » - celui des Juifs orthodoxes qui refusent la modernité et le mouvement sioniste – d’autre part. Le héros du livre, Itshak Kumer, est partagé entre ces deux mondes, à l’instar de l’auteur lui-même, porteur d’une double identité : l’identité du Nouvel Hébreu en gestation sur les dunes de Jaffa et celle du Juif originaire de Galicie.

La Tel-Aviv d’Agnon, telle qu’elle apparaît dans Le chien Balak, est marquée par cette ambivalence, consubstantielle au projet sioniste : à la fois rejet de l’identité juive galoutique, qui se perpétue à Jérusalem et espoir d’une identité nouvelle qui se construit sur le sable de Jaffa. Mais aux yeux d’Agnon, comme dans la pensée du rav Kook, même les fondateurs laïcs de la ville nouvelle sont les instruments du projet divin, comme cela ressort de sa description de la fondation de Tel-Aviv : « Nous rions de ceux qui se trompent naïvement en pensant que c’est par leur force et par la puissance de leurs mains qu’ils ont fait Tel-Aviv. La ville est devenue ce qu’elle est par la force du Dieu vivant… »...

 

Pierre Itshak Lurçat

 

EXTRAIT D'UN ARTICLE PUBLIE DANS ISRAEL MAGAZINE, LE PREMIER MAGAZINE FRANCOPHONE ISRAELIEN


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3 septembre 2011 6 03 /09 /septembre /2011 19:56

accords-oslo-copie-1.jpg"La guerre d'Oslo", la formule est aussi violente que celle de "processus de paix" qui a désigné cette guerre d'un type nouveau dans laquelle Israël s'est trouvé projeté depuis 1993. L'expression de "processus de pays", universellement employée encore aujourd'hui, impliquait bien en fait que "la paix", ici désignée, pouvait connaître des éclipses meurtrières. Mais que "la paix" ait pu être évoquée pour définir la stratégie de guerre révolutionnaire palestinienne, le cycle de terrorisme, la dissimulation des intentions, la mise en accusation systématique d'Israël, reste une des violences symboliques les plus grandes de ce début de XXIème siècle. La perception du conflit en est ressortie totalement brouillée sur la scène de l'opinion publique internationale. Les responsabilités ont été falsifiées, les catégories morales, perverties.

 

Une très étrange situation s'en est ensuivie où l'agresseur est devenu l'agressé, la légitime défense, un "terrorisme d'Etat", l'information, un jugement. La passion collective qui a enfiévré l'opinion européenne a connu un début d'analyse. Avec le recul du temps, son décalage par rapport à la réalité n'en apparaîtra que plus grand lorsque l'historien établira les faits réels. C'est cette démarche qu'entame ce livre.

 

Joël Fishman avait, dés 2000, frayé la voie à une reconsidération bouleversante du concept de "processus de paix", en discernant dans la guerre palestinienne la stratégie du "plan par étapes" visant à détruire Israël progressivement, à travers une pacification simulée. Il donne à cette perspective ses bases intellectuelles et son explication. Ephraim Karsh, quant à lui, en apporte la démonstration par les faits et les discours. Il prouve, de façon mathématique et avec une concision lapidaire, ce que fut l'intention guerrière de l'O.L.P et d'Arafat dès la signature des Accords d'Oslo et comment elle fut mise en œuvre sur le terrain, dans une guerre autant psychologique et symbolique que militaire.

 

Mais le comportement des Israéliens et du monde juif doit aussi être l'objet d'une investigation, ce à quoi Joël Fishman, consacre une étude extrêmement éclairante. Il faut prendre en effet la mesure de l'exception que représente la diplomatie israélienne des années d'Oslo dans l'histoire des relations internationales. Que l'on se représente bien les choses.

 

Où a-t-on vu un Etat vainqueur d'une guerre d'agression (guerres des Six Jours) décrétée contre lui, remettre les gages de sa victoire (au demeurant des territoires ridiculement exigus) a son ennemi le plus invétéré, alors dans une position de grande faiblesse stratégique, lui donner des armes pour qu'il lève une "police" avec pour seule demande la "prière" que cet ennemi daigne le reconnaître ?

 

N'est-on pas allé chercher Arafat et son armée exilés à Tunis, pour les installer comme puissance au cœur d'Israël, dans des territoires qui ne furent jamais palestinien sur le plan du droit international ?

 

Faut-il rappeler à l'amnésie ambiante que les Etats arabes avaient refusé le plan de partage de la Palestine du Mandat britannique – territoires autrefois ottomans où ne s'est jamais établie une entité politique spécifique – et que la Jordanie avait annexé la Judée-Samarie (devenue alors "Cisjordanie") et l'Egypte, Gaza, à l'issue de la guerre décrétée en 1948 par les Etats arabes contre le jeune Etat d'Israël ? La passation de territoires à l'O.L.P est une donne radicalement nouvelle sur le plan du droit international qui n'est en rien une "remise" de territoires à des propriétaires originels mais la création ex nihilo d'une nouvelle entité. Ceci ne fait qu'accentuer le caractère exceptionnel du comportement israélien et le cynisme de l'accusation universelle. Le comportement erratique d'Israël détonne au contraire dans l'assemblée des monstres froids que sont les Etats.

 

Ce qui se passe sur la scène internationale se trame aussi sur la scène interne au monde juif. Une société, en effet, ne ressort pas indemne, psychologiquement autant que politiquement, d'une telle aventure, au point où certains se demandent si la société israélienne ne s'est pas engouffrée dans une impasse qui pourrait remettre en question sa viabilité et sa continuité.

 

Les chancelleries européennes bruissent même goulûment de cette éventualité.

Les Israéliens se sont divisés et affrontés pour une paix qui couvrait vertueusement la poursuite des buts de guerre des Palestiniens : la Grande Palestine du Jourdain à la mer. Ils ont cru avec passion à la paix. Elle en est même devenue un messianisme qui a obscurci leur vision de la réalité et les a précipités dans une tragédie. On a beaucoup dénoncé le messianisme utopique du Gouch Emounim, mais l'utopie pacifiste sans laquelle on ne peut comprendre le syndrome d'Oslo s'est, jusqu'à présent, révélée aussi grave dans ses effets immédiats.

 

L'invocation de la paix est devenue un article de foi, un confort narcissique, comme s'il suffisait de psalmodier son air pour qu'elle se concrétise, avec le bénéfice secondaire de diaboliser ceux qui pensent différemment. Dans le contre-jour terrible de la période 2000-2004, les artisans d'Oslo s'avèrent n'avoir fait la paix qu'avec les palestiniens de leur imagination, au point de refuser d'accepter la réalité (le terrorisme et les discours contradictoires) qui pourtant les bousculait dès le premiers jours. La mystique des uns a fait écho à la ruse des autres. La "paix" palestinienne a parfaitement répondu en effet à la définition qu'en donnait la stratégie communiste du temps de la "coexistence pacifique" : une situation conflictuelle dans laquelle des armes et des méthodes non militaires sont employées sans dépasser le seuil d'intensité qui en ferait une guerre ouverte. Dans 1984, Orwell avait bien épinglé cette perversion calculée du vocabulaire, avec l'équivalence !

"Peace is war".

 

L'aventurisme messianique d'Oslo a irrémédiablement engagé Israël dans un avenir mouvementé. Comment la société israélienne se récupérera-t-elle au sortir d'une telle aventure dont on ne mesure pas encore les développements à venir et les conséquences ?

Des divisions et des clivages durables pourraient s'installer, minant la confiance réciproque des familles qui la constituent. Les termes de démocratie et de paix se sont usés, investis par les élites du pouvoir d'un sens subliminal plus en rapport avec le kulturkampf propre à la société israélienne qu'avec la paix réelle. L'assassinat d'Yitzhak Rabin fut le terrible sommet de ce divorce profond. C'est jusqu'au concept même de "démocratie" qui s'est trouvé frelaté au nom de "la paix", par des politiciens qui, à plusieurs reprises, se sont sentis autorisés à malmener la déontologie de la démocratie au profit de manœuvres parlementaires. Durant la décennie d'Oslo, la diplomatie secrète et la politique du fait accompli, à l'insu de l'électorat, ont fait office de règle de fonctionnement en matière de politique étrangère.

 

L'examen rétrospectif du "processus d'Oslo" est une nécessité pour libérer l'avenir.

 


 

La guerre d'Oslo par Ephraim KarshLire l'ouvrage en ligne

 

raison-garder-mini-2[1]

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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 12:07

www.crif.org

 

 

Les Cahiers Yiddish ont vu le jour en septembre 1996 alors que la presse yiddish avait rendu l’âme : les trois quotidiens « Unzer Wort », « Unzer Schtimé », « Naïe Presse », avaient cessé de paraître. Mais l’âme juive étant immortelle, des défenseurs acharnés de la langue yiddish se sont réunis afin de montrer au monde que malgré la tragédie du peuple juif du XXe et de fait, de la disparition de millions de locuteurs, la presse yiddish devait continuer à vivre. Lorsque LA question fut posée au Prix Nobel de littérature, I. Bashevis-Singer : Pourquoi écrivez-vous dans une langue morte ? - il répondit : « Le yiddish se meurt depuis un millénaire et j’espère que cela durera encore un millénaire ».
 
Le linguiste Claude Hagège, dans Halte à la mort des langues (éd. Odile Jacob), écrit: « Une volonté existe de rendre une vie réelle au yiddish. Le XXIe siècle dira si cet embryon de renaissance annonçait un retour, ou si ce n’était qu’un rêve ». Le XXIe siècle sera yiddish ou ne sera pas ?
 
Les Cahiers Yiddish avaient alors constitué une rédaction, autour du concepteur, Claude Hampel, avec un nombre de personnalités connues du monde yiddish : Mordekhai Lerman, Milka Szulsztejn, Izak Opatowski, Charles Zabuski, S. Lichtensztein et, en particulier, celui qui apporta sa caution morale : Henry Bulawko. Sans oublier la participation artistique de Devi Tuszynski et du sculpteur Michel Milberger.
 
Le Cercle Bernard Lazare, qu’il faut remercier à travers David Fuchs et Jeanine Franier, a apporté sa logistique en accueillant la naissante publication yiddish; aujourd’hui parmi les rares existantes dans le monde.
 
Renouant avec la tradition consistant à réunir, autour d’une fête du yiddish, Intergénérationnelle, les anciens et les jeunes, les Cahiers Yiddish vont organiser leur 15e Anniversaire, le dimanche 6 novembre 2011 à 14h, en la Salle des fêtes de la Mairie du IVe, au cœur du « Pletzl », où la vie yiddish faisait partie du quotidien (cf. Alain Vincenot Les larmes de la rue des Rosiers).
 
Au cours de cette rencontre exceptionnelle, à la fois culturelle et artistique (programmation en cours) se produiront : Talila, Michèle Tauber, Jacinta (accompagnée par des choristes), Denis Cuniot, Richard Schmoucler, Noémi Waysfeld et le groupe « Blik ».
 
L’artiste Alain Kleinmann signera, à cette occasion, une création graphique à tirage limité.
 
La manifestation qui sera accueillie par Dominique Bertinotti, Maire du IVe, sera placée sous le double patronage de : Catherine Trautmann, députée européenne, ancien ministre de la culture et Samuel Pisar, juriste, écrivain et locuteur yiddish.
 
La langue et la culture yiddish s’inscrivent dans l’évolution de la conscience européenne et il est de notre devoir de préserver cet héritage. Le 6 novembre nous serons nombreux autour de grands artistes qui ont accepté de soutenir les Cahiers Yiddish.
 
La réservation se fait dès à présent au : 01 42 71 68 19.
 
Claude ASH
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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 09:27

Tout commence sur le plateau de Bernard Pivot, le 29 juin 2001, lorsque le physicien et ancien déporté Georges Charpak dénonce l’antisémitisme de Louis-Ferdinand Céline face à l’un des plus grands fans de l’auteur : Fabrice Luchini. Pour préparer cette intervention, Georges Charpak avait commandé des notes à Antoine Peillon. “Céline, un antisémite exceptionnel” est une version de ces notes, revues et corrigées à l’aune du cinquantenaire de la mort de l’auteur.

Dans cette nouvelle version des notes, Antoine Peillon a donc ajouté un avant-propos d’hommage à Georges Charpak, un premier chapitre qui revient sur la velléité avortée de la célébration nationale et sur la profusion de colloques, rééditons et hommages publics que le cinquantenaire de la mort de Céline occasionne. Dans le troisième chapitre, les chiffres sur les succès de ventes en libraires et aux enchères de Céline sont mis à jour. Les deux chapitres suivants se focalisent sur le propos de l’auteur et reprennent des faits importants : la manière dont Céline a profité de l’antisémitisme de la France de Vichy pour s’enrichir et son irréfutable action de collaboration avec l’occupant nazi. Une chronologie engagée où le journaliste expédie le problème du négationnisme de Céline en un paragraphe et un court texte autobiographique viennent clore cet “abrégé sur l’ignominie célinienne” .

 

Le travail de couture qu’opère Antoine Peillon entre ses notes de 2001 et son pamphlet de 2011 est assez habile et on ne

sent pas le collage. Mais la thèse qu’il soutient sur l’“antisémitisme exceptionnel” de Céline n’a elle-même rien d’exceptionnel : Céline a été condamné à l’indignité nationale après la Seconde Guerre mondiale et son action antisémite a déjà été démontrée par de nombreux historiens, que Peillon cite d’ailleurs bien volontiers : Philippe Alméras, Jean-Pierre Martin, Annick Durafour, Yves Pages et même Henri Godard. La proposition plus originale que fait Antoine Peillon au début de l’essai est de démontrer, dans les pas de Bernard-Henri Levy, qu’il y a quelque chose de maladif dans la société française à ne pas voir les convictions racistes sous les mérites du style, à continuer à se délecter en douce des pamphlets antisémites de Céline, et à insister pour rendre à l’homme un hommage national . C’est précisément ce qu’Antoine Peillon n’arrive pas à faire entendre dans son “antisémite exceptionnel”, faute d’argumentation.

 

En effet, si Peillon rappelle les faits historiques : le sérieux des propos antisémites de Céline, son implication dans la collaboration et l’impact direct de ses imprécations à massacrer les juifs dans la France de Vichy, c’est toujours en se cachant derrière de longues citations d’Hannah Arendt, de Jean-Pierre Martin ou de Pascal Ory : des auteurs “formels”  dans des “pages définitives”  et qui semblent se suffire à eux-mêmes pour discréditer Céline à jamais du patrimoine littéraire français. Ce camp des “gentils” est pris en bloc, et Peillon ne prend pas la peine de détailler les diverses positions, ni même de revenir sur les diverses argumentations construites et qui pourraient étayer sa position. En face, le journaliste discrédite systématiquement ceux qu’il appelle les “célinophiles patentés” par des phrases d’attaques assez grossières (Luchini est “inévitable”, Sollers fait au passage de la publicité pour son propre livre car “toute occasion est bonne à prendre et il n’y a sans doute pas de petit profit”, p. 19). Ce camp des “méchants”, regroupe de manière indifférenciée des figures aussi diverses que Bruno Gollnich, Julia Kristeva et Éric Naulleau. En 2008, Nicolas Sarkozy va lui aussi “rejoindre ce beau linge en célinomanie” alors qu’on lui offre un manuscrit de l’écrivain et qu’il déjeune avec Luchini pour parler de l’auteur du Voyage au bout de la nuit .

Titre du livre : Céline, un antisémite exceptionnel. Une histoire française

 

SOURCE http://www.nonfiction.fr/article-4843-bagatelles_contre_un_grand_ecrivain_antisemite.htm


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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 17:40

Comme l'écrivait récemment Cyril Aslanov, parlant d'Amos Oz, "le dialogue de sourd entre le romancier israélien et les lecteurs venus assister à sa causerie est révélateur d’un malentendu plus général qui se fait jour dans la réception d’Amos Oz, A. B. Yehoshua et David Grossman par les lecteurs européens qui ont tendance à percevoir ces auteurs comme plus pacifistes qu’ils ne sont réellement [4]. Ce décalage entre l’image pacifiste ad extra et les prises de position politiques ad intra de ces trois auteurs révèle une différence de fond entre le pacifisme européen, option théorique depuis que les guerres ont pour théâtre des régions situées en dehors de l’espace Schengen, et sa contrepartie israélienne qui est avant tout un réflexe de guerriers fatigués et de mères anxieuses pour leurs enfants postés en première ligne..."

Je ne peux me départir d'un sentiment de malaise similaire en lisant les articles consacrés au dernier roman de Grossman que je viens de recevoir, sentiment que je résumerai ainsi: "est-ce vraiment l'écrivain que célèbrent les médias français à l'occasion de la parution de son dernier livre, ou bien le militant de Chalom Archav"? P.I.L

 

GROSSMANDavid Grossman et le fils éternel

C'est le dernier jour que cela s'est produit. Aux -dernières heures du dernier jour de la guerre, le 12 août 2006, Uri Grossman est mort. Son tank a été touché par une roquette alors qu'il tentait de sauver un autre blindé. Dans les rédactions, on se rappelle encore la dépêche qui, un peu partout dans le monde, jeta la consternation : "Le sergent Uri Grossman, 20 ans, fils du célèbre écrivain israélien David Grossman, pionnier de la paix, a été tué au Sud Liban, quelques jours après que son père avait appelé au cessez-le-feu et à l'ouverture des négociations."

Depuis plusieurs années, pour "accompagner" Uri, David Grossman s'était plongé dans l'écriture d'un roman. Mais pas n'importe quel roman : celui d'un fils enrôlé dans la guerre. Une histoire... conjuratoire, en somme. "A l'époque, dit-il, j'avais le sentiment - je formais le voeu, plutôt - que mes pages le protégeraient..."

Des mots comme des sacs de sable... Et puis, le dernier jour, le drame. "Pendant le deuil, (l'écrivain) Amos Oz est venu me rendre visite, raconte Grossman. En partant, il m'a demandé des nouvelles de mon roman. Je lui ai dit que je ne savais pas si je pourrais le sauver. "Mais..., m'a-t-il répondu, c'est lui qui te sauvera... !""

Aujourd'hui, le voici. Et il y a quelque chose de troublant à ouvrir cet ouvrage-là. Celui qui a sauvé sans sauver, 600 pages serrées, magnifiquement traduites, tout à la fois hommage et tombeau, hymne à la vie et oratorio de la douleur. Une femme fuyant l'annonce est un roman grave, profond, éminemment bouleversant. On y trouve, tricotés comme les brins d'un tapis, l'histoire d'Israël et celle d'une mère. Une réflexion unique sur la façon dont la guerre "déforme les familles, la pensée, le langage". On y trouve surtout une humanité bienveillante, une tendresse et une intelligence de l'existence qui vous réchauffent et vous pincent le coeur en même temps. "J'aime penser, dit Grossman, que les moments les plus importants de l'Histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines ou les chambres d'enfants."

L'intrigue est simple, épurée presque. Une femme, Ora, séparée de son mari, attend le retour de son fils. Ofer termine son service militaire et elle projette de faire avec lui une randonnée en Galilée. Elle va le retrouver comme il était jadis, avant que l'armée ne lui "durcisse la chair" ! Mais à peine Ofer est-il rentré qu'il repart. Une "opération d'envergure" se prépare au Liban, comment pourrait-il ne pas en être ? Voici Ora transpercée par un pressentiment. L'angoisse du désastre - l'antique fatum - s'insinue partout, comble les vides des dialogues, s'enroule autour des souvenirs. Petit déjà, Ofer ne pouvait pas dormir. "Il avait peur qu'il y ait un Arabe sous son lit". Cette peur, poisseuse, nous collera à la peau jusqu'à la fin (ouverte) du livre.

L'annonce faite à Ora ? Il n'y en aura pas. Pour n'être pas là lorsqu'on viendra lui dire qu'Ofer est mort, Ora part en Galilée. Elle part avec Avram, son amour de jeunesse. Et tandis qu'ils arpentent les sentiers millénaires, elle lui parle d'Ofer, encore et encore. Comme si l'évoquer sans cesse allait effacer l'oracle, maintenir son fils en vie.

A la Foire du livre de Thessalonique (Grèce), dont il était en mai l'invité d'honneur, David Grossman avait confié au Monde que seule une femme pouvait agir comme l'avait fait Ora. "Les femmes sont plus sceptiques que les hommes à l'égard des pouvoirs et des croyances. Pensez à la Genèse, lorsque Dieu s'approche d'Abraham et lui dit : "Prends ton fils unique, Isaac, emmène-le sur le mont Moriah et sacrifie-le !" Dieu est intelligent, il est venu voir Abraham, pas Sarah. Sarah l'aurait fichu dehors. Tandis qu'Abraham prend son âne et son fils et s'exécute sans hésiter..."

Ora l'indignée, la sensuelle, la douloureuse. Il est probable que le lecteur se rappellera longtemps ce personnage "essentiellement féminin". Archaïque aussi : Ora n'est-elle pas un peu toutes les femmes des grands mythes ? Sarah, Schéhérazade, Demeter et même... Marie ! Stabat Mater : comment Grossman aurait-il pu ne pas penser aussi à cette figure-là en brossant son portrait ?

En hébreu, "ora" signifie "lumière". En latin, "prie !" Et si le roman n'était au fond que cela, un livre de prière (s) ? "Vous avez raison, dit David Grossman. C'est une prière laïque. J'écris pour que cesse cette "situation" où nous survivons tous d'une catastrophe à une autre. Pour que nous tous, Israéliens et Palestiniens, ayons le courage de nous extraire de ce piège qui nous empêche de vivre. Et puis, il y a autre chose... Quand, après les sept jours de deuil, je me suis remis à l'écriture, je me sentais exilé. Plus rien n'allait de soi. J'avais besoin d'un lieu qui me rappelle celui que j'étais avant. L'écriture a été ce lieu. Je me disais : "N'es-tu pas stupide de rester assis des heures à chercher le bon mot quand le monde s'effondre autour de toi ?" Quand je le trouvais pourtant, j'éprouvais un sentiment de soulagement. Je me suis ainsi rendu compte que l'écriture était quelque chose de juste et de bon. Ma façon à moi de choisir la vie. Une autre forme de prière."


 

Une femme fuyant l'annonce

(Icha boharat mibsora),

de David Grossman,

traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen, Seuil, 666 p., 22,50 €.

Florence Noiville

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 09:24

La trahison des intellectuels ne date pas d’aujourd’hui et elle est devenue un sujet de thèses et d’ouvrages. Le summum de ce phénomène s’est déroulé durant la 2e Guerre Mondiale où une quantité impressionnante d’intellectuels et écrivains ont choisi la Collaboration avec les nazis malgré (ou à cause) le pacifisme, l’antiracisme et l’humanisme flamboyants qu’ils brandissaient quelques mois encore avant le déclenchement du conflit. Les mêmes réflexes se retrouvent d’une certaine manière dans l’intelligentsia occidentale – et israélienne – qui au nom d’un idéal fourvoyé de « Paix universelle » est prête à s’allier au Diable.

En plein regain du terrorisme palestinien contre Israël, le quotidien français « Libération » choisit de publier une interview réalisée il y a un mois de l’écrivain David Grossman à l’occasion de la parution en français son dernier livre. Dans ces lignes, l’écrivain israélien accable son pays et apporte de l’eau au moulin de ses pires ennemis. « Nous vivons dans une situation qui nous a entraînés à perdre toute notion d’humanisme (…) Nous nous détruisons notre propre existence depuis trois générations, et Arabes et Juifs ne s’imaginent plus que devoir s’entretuer », déclare-t-il. Après avoir repris l’expression consacrée des « extrémistes-des-deux-bords qui menacent la coexistence inéluctables entre Israéliens et Palestiniens », Grossman prononce une phrase hallucinante, qui résonne avec d’autant plus d’effet en ces jours d’agressions contre Israël : « Le jour où les Palestiniens pourront vivre libres sans notre ombre au-dessus d’eux, quand ils pourront élever leurs enfants sans la peur (sic) et vivre dans l’honneur, ils pourront consacrer toute leur énergie à la construction de leur Etat, et ceci est vrai pour nous également » !!


Plus loin dans l’interview, l’écrivain analyse les effets de la guerre sur la société israélienne : « Israël vit depuis plus de cent ans dans le cercle de la violence, ce qui a mis en évidence les aspects les plus agressifs et paranoïaques qu’il y a en nous. Nous ne sommes pas plus mauvais que d’autres mais nous réagissons comme toute autre société réagirait en pareille situation. Nous divisons le monde en bons et mauvais, nous démonisons l’Autre, idéalisons notre propre peuple et nous votons ensuite des lois qui correspondent à cette manière de voir mais pas à ce que nous devrions être en réalité ».
Puis vient une attaque encore plus perfide : « Ce qui se passe actuellement en Israël est une disparition progressive de la démocratie. Un groupe de juifs messianiques démentiels a pris Israël en otage. Un groupe minoritaire de la population dicte à tout le pays les normes de comportement qu’il devrait adopter, et la majorité collabore avec eux et accepte des choses qu’elle n’aurait jamais accepté il y dix ans. La mentalité des colons s’est emparé du pays » !!!
Ce qui est certain, par contre, c’est que la mentalité du juif honteux et dhimmi n’a toujours pas quittée Grossman et ses acolytes, et que le titre d’ « intellectuel » ne confère pas forcément la qualité de clairvoyance.

http://www.israel7.com/2011/08/david-grossman-insulte-israel-dans-%C2%AB-libe-%C2%BB/

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18 août 2011 4 18 /08 /août /2011 08:10

COCO CHANELUne nouvelle biographie de Coco Chanel, « Sleeping With the Enemy, Coco Chanel secret war » (Coucher avec l’ennemi, la guerre secrète de Coco Chanel) qui sort aux Etats-Unis le 16 août devrait faire grincer des dents et sérieusement écorner l’image de l’icône de la mode. Même si cela ne retire rien au fait qu’elle a révolutionné la façon dont les femmes s’habillent, cela jette une ombre sur son passé et sa personnalité écrit le site américain The Daily Beast. L’auteur du livre Hal Vaughan est un spécialiste de la seconde guerre mondiale. Et certaines phrases de son livre sont dévastatrices pour le symbole de l’élégance française.

 

« Férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l’occupant allemand, elle devint riche en se faisant apprécier des très riches et partageait leur détestation des juifs, des syndicats, des francs-maçons, des socialistes et du communisme. Elle estimait après 1933 que Hitler était un grands européen ».

Elle était manifestement très influençable et trop amoureuse et cela ne l’a pas aidé de « Coucher avec l’ennemi », en l’occurrence le Baron Hans Günther von Dinklage (surnommé « Spatz »), qui était à la fois beau, charmeur, cultivé, sophistiqué, parlait le français à la perfection, et était surtout un « maître espion » travaillant pour les services secrets allemands. Le Baron a manifestement utilisé Coco Chanel et l’a même embarqué en 1943 dans une tentative assez irréaliste et ridicule de paix séparée avec la Grande-Bretagne où elle aurait servi d’intermédiaire.

 

A la libération, Coco Chanel a bien été interrogée par un juge français sur des soupçons de collaboration, mais l’affaire n’a jamais été plus loin, elle le doit sans doute à l’amitié que lui portait Winston Churchill.

Pour sa défense, The Daily Beast, met en avant trois choses sur Coco Chanel : « premièrement, elle était un génie qui a changé totalement la façon dont les femmes s’habillent et se voient, deuxièmement, elle était une femme d’affaires brillante et sans crupules…, et troisièmement,elle était trop naîve politiquement pour réaliser qu’elle était du coté des perdants ou pour faire habilement la délicate transition de la collaboration totale, vers la collaboration à reculons pour finir par l’enthousiasme pour De Gaulle et les alliés » qui a été si fréquente dans les classes dirigeantes françaises en 1943 et 1944.

André Malraux avait déclaré : « de ce siècle en France, seuls trois noms resteront : de Gaulle, Picasso, et Chanel ». Un héros militaire et politique, un Espagnol et une collaboratrice. Un résumé du 20éme siècle...

Slate.fr

 

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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 11:05

Yaakov Shabtaï (1934-1981), écrivain et auteur dramatique israélien, natif de Tel-Aviv. Sa production littéraire comprend deux romans, deux recueils de pièces de théâtre, un livre de poèmes et un livre pour enfants. Durant sa vie il demeura inconnu, mais après sa mort, il fut considéré comme l’un des grands écrivains israéliens depuis la création de l’Etat.

Yaakov Shabtaï est né et a grandi à Tel-Aviv. Il est le fils d’un ouvrier et d’une femme au foyer qui éduquèrent leurs enfants dans l’esprit des valeurs du mouvement des Po`ale Tsion (« Les ouvriers de Sion »). Dans sa jeunesse, il fut membre du mouvement de jeunesse Ha-Shomer Ha-Tsa`ir (« La jeune garde »). Après son service militaire, il partit vivre au kibboutz Merhaviya où il demeura dix années avec sa femme et ses enfants. Au kibboutz, il commença à écrire, et composa des rengaines et des revues pour les fêtes du kibboutz. Son premier récit, « L’oncle Samuel » fut publié en 1965 dans le journal Haaretz.

En 1967, Yaakov Shabtaï quitta le kibboutz et revint à Tel-Aviv, où il vécut jusqu’à sa mort. A Tel-Aviv, il commença à développer une carrière littéraire, rédigea des pièces de théâtre, des rengaines, des poèmes et de courts récits. Un recueil de ses récits « L’oncle Peretz décolle » fut publié en 1972. Une de ses plus importantes pièces de théâtre, « Le tigre rayé », qui a pour thème les jours où Tel-Aviv était une petite ville.

 

ET-EN-FIN-DE-COMPTE.jpgEn 1977, Yaakov Shabtaï publia un roman, Pour inventaire qui porte sur trois personnages masculins membres des cercles des ouvriers, des employés et de l’intelligentzia de Tel-Aviv et identifiés avec le parti travailliste. Dans ce roman, le passé se mêle au présent dans un flux associatif. L’enchevêtrement des temps et la nécessité de la dimension de la mémoire se reflètent également dans le style coulant, sans répartition en chapitres, presque sans division en phrases selon le mode conventionnel. Beaucoup virent dans ce roman comme un livre sur la situation de la Histadrout qui perdit son hégémonie sur la société israélienne à l’époque où le roman fut écrit. L’année de sortie de Pour inventaire, l’année où eut lieu le renversement qui porta au pouvoir le parti du Likoud, sembla symbolique dans ce contexte.

Durant la plus grande partie de sa vie d’adulte, Yaakov Shabtaï souffrit d’une maladie du cœur et en 1981, à l’âge seulement de quarante-sept ans, il décéda. Après sa mort, son dernier roman fut publié, Et en fin de compte (1984) : histoire de Meïr, ingénieur de Tel-Aviv, qui sent sa mort approcher.

Durant sa vie, Yaakov Shabtaï demeura inconnu et n’eut pas de succès. Avec les années, les critiques littéraires et des audiences de plus en plus larges commencèrent à reconnaître sa valeur. Sa réussite la plus estimée est son roman Pour inventaire qui fut choisi dans une enquête faite en 2007 parmi les critiques littéraires comme le meilleur roman israélien écrit après la création de l’Etat. Le livre obtint le prix Kenneth B. Smilen de littérature. Après sa mort, à titre posthume, on lui attribua le prestigieux prix Agnon, et ses livres continuent d’être vendus largement en Israël et dans le monde.

Les motifs habituels de son œuvre sont : l’anéantissement, la ruine, la décadence, la vieillesse, la mort et le suicide. À l’opposé, on trouve les illusions imaginaires des héros et leur aspiration à un bonheur impossible, au-delà des limites de la réalité et du rêve.

 

Eliane Ketterer

http://www.un-echo-israel.net/Yaakov-Shabtai

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14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 20:22

Article paru dans l'Arche, le magazine sacrifié sur l'autel de Jcall et des illusions mortelles de la "paix"...

 

salman-shocken.jpegCommerçant, collectionneur, mécène sioniste, voire même écrivain à ses heures, Schocken a exercé une influence déterminante sur le développement de l'histoire intellectuelle du judaïsme allemand à une époque cruciale, c'est-à-dire peu avant l'arrivée au pouvoir du national-socialisme, et juste après. Lorsque les nazis ordonnèrent le démantèlement de sa chaîne de supermarchés et de sa maison d'édition, Schocken avait déjà organisé son installation en Terre sainte où il fonda et entretint, de ses propres deniers, un important institut de recherche sur la poésie médiévale hébraïque. Par la suite, il fonda aussi une branche américaine de son entreprise qui édite, aujourd'hui encore, les fameux Schocken Paperbacks. Il devint aussi un magnat de la presse en Israël puisque le sérieux quotidien Haaretz lui apppartenait. Le prestigieux volume et la grande exposition que la Bibliothèque nationale du Luxembourg a consacrés à Schocken et à sa maison d'édition, le Schocken-Verlag (1), renferment une histoire presque complète de l'homme et de son œuvre.

Qui a découvert Agnon, le futur prix Nobel de littérature, qui lui a assuré de bonnes conditions de vie et de travail, si ce n'est Schocken? Un bref coup d'œil sur le catalogue des éditions Schocken permet de prendre connaissance de tant de noms d'écrivains déjà consacrés ou de célébrités futures : Martin Buber, Nahum N. Glatzer, Ludwig Strauss, Léo Bæck, Fritz Bær, Fritz Bamberger, Benno Jacob, Gershom Scholem, Moritz Zobel et tant d'autres. Bien qu'il eût une tendance naturellement autocratique, due principalement à sa culture autodidacte, Schocken ne gênait guère les deux spécialistes qu'il avait nommés à la tête de sa maison d'édition, Lambert Schneider (qui s'établit plus tard à son compte à Heidelberg) et Moritz Spitzer.

Mais qui était au juste cet homme qui commença sa carrière dans l'épicerie avant de fonder un véritable empire étendu à l'ensemble du territoire allemand? Comment cet homme, qui dès les années vingt avait doté tous ses supermarchés de coins de lecture et de librairies, est-il devenu l'un des plus grands collectionneurs de son temps ? Né à Posen en 1877 dans une communauté très traditionnelle, ayant fréquenté le Héder et étudié les matières religieuses, Schocken avait cessé de se reconnaître dans le judaïsme de ses contemporains. La lecture des Contes hassidiques de Martin Buber le confronta à un judaïsme vivant, dynamique et authentique. Dès lors, il collectionna inlassablement les incunables hébraïques (il en aura 43 en sa possession en Israël), les manuscrits et les éditions princeps.

Schocken avait rejoint les sionistes allemands à l'âge de trente ans. Débordant d'énergie, il participa à la création de l'Académie de la Science du judaïsme, que Franz Rosenzweig avait appelée de ses vœux dans une lettre ouverte adressée à Hermann Cohen (1917). Lorsqu'il quitta l'Allemagne en 1935 pour se rendre en Terre sainte - où le célèbre architecte Erich Mendelsohn lui bâtit une belle demeure dans le style du Bauhaus - Schocken avait depuis longtemps accepté le poste de trésorier de la nouvelle Université hébraïque de Jérusalem. Cette bonne connaissance du monde académique et universitaire lui permit de s'attacher les services de Nahum Norbert Glatzer et de… Hannah Arendt à New York pour le Schocken Publishing House.

Ce généreux mécène savait aussi compter ; le secteur de l'édition n'était pas déficitaire et n'avait guère besoin d'être renfloué par les autres activités - rentables - du groupe. Il sut négocier la reprise par sa propre maison d'édition d'ouvrages parus ailleurs, comme les Ecrits juifs de Hermann Cohen ou les premiers volumes de la traduction de la Bible par Martin Buber et Franz Rosenzweig. Par ailleurs, il sut reconnaître en Franz Kafka le grand maître de la prose allemande du début du XXe siècle: Max Brod eut la chance de trouver en Schocken un allié inconditionnel, même pour des interprétations parfois personnelles d'une telle œuvre.

En 1936, le grand historien Fritz Isaac Baer (1888-1980) publia chez Schocken un texte militant intitulé Galut; l'éminent historien tentait d'interpréter les ressorts secrets de l'histoire juive avec son talent habituel, sans parvenir à masquer totalement l'impact qu'eurent sur sa propre présentation des faits les lois de Nuremberg et la catastrophe, déjà prévisible, du judaïsme allemand. C'est encore Schocken - seul ou sous l'influence de ses conseillers - qui tira d'un oubli immérité le texte programmatique de Heinrich Grätz Construction de l'Histoire juive (traduction française : Cerf, 1992), paru quatre-vingt-dix ans plus tôt.

Probablement convaincu par ses amis religieux - même s'il se défendait d'être le patron d'une maison d'édition juive orthodoxe - Schocken avait réalisé une véritable petite révolution dans le domaine de la typographie hébraïque ; il fit paraître des éditions bilingues des œuvres d'Agnon, de Juda ha-Lévi et de Ibn Gabirol. Mais le plus important fut l'édition de livres de prières et d'almanachs, sans oublier une excellente contribution à l'étude de la massora due à Arthur Spanier. En 1934 paraissait aussi un épais recueil de contes et d'histoires de Micha Joseph Bin Gurion intitulé Der Born Judas; les répercussions de cet ouvrage ainsi que l'influence exercée par son auteur sur le judaïsme du début du siècle furent considérables.

En découvrant comme Gershom Scholem, Hugo Bergmann et quelques autres que la renaissance culturelle allait de pair avec un certain renouveau national, Schocken bénéficiait d'un préjugé favorable auprès de toute une pléiade d'écrivains, de penseurs, de savants et de traducteurs. Certes, sa manie de collectionneur en indisposa plus d'un ; ainsi Bialik, qui voyait en Schocken un accapareur des pièces les plus rares de la littérature juive, ou même Scholem qui ne pouvait plus acheter ses sources kabbalistiques à bon marché comme par le passé. Mais qui pourrait en faire le reproche à celui qui voua sa vie à restaurer et à rassembler les trésors épars de la spiritualité juive ? Pour les hommes de cette époque, Schocken fut une sorte de Messie, de rédempteur d'une littérature bafouée et brimée durant des siècles. Comme l'écrivait Ludwig Strauss, « les œuvres d'art achevées sont des ilôts messianiques dans un océan en quête de rédemption ». · Maurice-Ruben Hayoun

1. Der Schocken Verlag / Berlin: Jüdische Selbstbehauptung in Deutschland 1931-1938. Edité par Saskia Schreuder et Claude Weber, Akademie Verlag, 1994, 406 pages.

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