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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 07:48

Un roman original sur lequel je reviendrai. P.I.L

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« Et je m'écriai : "Je vois un rameau d'amandier"… D. me félicita: "Admirable perspicacité, car Je me hâterai d'accomplir ma parole…" » (Jérémie I, 11).

 

La floraison précoce de l'amandier annonce, au déclin de l'hiver et à l'approche du nouvel an des arbres, le renouveau du printemps auquel les autres végétaux ne réagissent pas encore. En hébreu, dans la Bible, le terme amandier forme un verbe, dont le sens se rapproche de la promptitude dans l'étude ou l'action.

 

« Et Je vous reprendrai, un par ville, deux par famille. » (Jérémie III, 14)

 

Quand bien même il ne resterait qu'un Juif en exil par ville, ou deux par famille (famille signifiant ici nation) D. viendra les chercher, c'est ainsi que Rabbi David Kim'hi explique le passage de ce verset.

Le Talmud, dans le traité Sanhédrin, comprend qu'une seule personne, par son mérite, peut sauver une ville entière, et deux une famille.

Mais le texte ne perd rien de son sens littéral.

 

« … Je vous ramènerai et vous rassemblerai d'entre les nations et de tous les lieux où Je vous aurai relégués … » (Jérémie XXIX, 14).

 

« … sur cette terre que vous dites déserte… les champs seront achetés, sur la terre de Benjamin et les alentours de Jérusalem, dans les villes de Juda, de la montagne, de la plaine et du Néguev, car Je vous rassemblerai… » (Jérémie XXXII, 43-44).

Avant-propos

 

 

Olivier Nizard, jeune habitant d'une banlieue paisible de la région parisienne, entreprend la recherche d'un sens, ou d'une essence, au microcosme dans lequel il évolue.

D'abord indifférent, insouciant, baignant dans une ambiance plus encore enfantine que bon enfant, en compagnie de ses camarades de classe, peu concerné par les dissensions entre les différentes nationalités qui ne l'effleurent même pas, ou par les appartenances ethniques ou religieuses et leurs interactions, il est amené peu à peu à rechercher un équilibre dans les valeurs universalistes de tolérance, d'acception de la différence, mais n'obtient pas l'écho ou la réciprocité escomptés.

 

Il faut parfois des circonstances particulières pour préparer les conditions au réveil d'une identité enfouie au plus profond de l'être, étouffée ou oubliée, voire inconnue, ou encore réduite à une sorte de folklore. Une vie quotidienne sans histoires, dans une relative aisance, et qui suit tranquillement son cours, sans que ne lui soit recherché un sens profond ou même léger, peut être bousculée par quelque élément au premier abord anodin, insignifiant, mais susceptible de se révéler comme le déclic d'une lente prise de conscience qui n'acceptera plus ce qui avait toujours été admis comme l'évidence d'un quotidien normalisateur.

 

Le contexte du récit qui va suivre relève d'une époque où l'antisionisme ne devait d'aucune façon être assimilé à l'antisémitisme, ou à l'une de ses formes. Il y a de cela un peu moins de trente ans, beaucoup se targuaient de pacifisme, et se rangeaient dans le camp des défenseurs du genre humain au sens large du terme. La judéo-phobie, à quelques exceptions près peut-être, était évitée comme la peste, en ce sens qu'aucun non-Juif respectable n'eût voulu être soupçonné d'entretenir en lui-même des sentiments aussi abjects.

 

En outre, de la libération des camps à la guerre des Six Jours, on jetait sur l'État d'Israël un regard condescendant, c'est-à-dire qu'on le tolérait ; il ne représentait qu'un vaste camp de réfugiés, voire une réserve naturelle provisoire, et était voué, dans les consciences, à plus ou moins brève échéance à l'anéantissement. Si la victoire de cette guerre a pu susciter l'admiration, voire l'émerveillement, tandis que l'on s'apprêtait préalablement à assister à l'extinction de la lumière d'Israël qu'un déferlement de haine sans précédent voulait éteindre, le martèlement médiatique accusateur qui s'ensuivit finit par éroder l'opinion ; et la première guerre du Liban réveilla les démons du passé pour mettre en exergue et déchaîner une fureur qui semblait devoir sommeiller à jamais.

 

La gymnastique intellectuelle et la dialectique destinées à maintenir artificiellement la différenciation précitée, entre les notions d'antisémitisme et

d'antisionisme, n'est plus de mise aujourd'hui, et on en viendrait presque à le regretter. C'est lors de la guerre que nous venons d'évoquer que se produisit, dans l'histoire tranquille et paisible d'une Europe enfin pacifiée, un renversement foudroyant. Jusque là, la haine irrationnelle que d'aucuns vouaient aux Juifs était devenue un sentiment tabou, et beaucoup s'en défendaient. Mais dès lors, la critique virulente et agressive fut de nouveau admise, à condition de la distinguer d'une appréhension d'animosité entretenue envers les Juifs en tant que tels. Bien entendu, ces derniers, présumés solidaires du seul pays où leurs frères n'étaient plus en minorité ou en exil, pouvaient, cependant, d'emblée être pris à partie et soumis à des « interrogatoires » agressifs mais encore uniquement verbaux. La fin d'une période où l'harmonie entre les hommes semblait avoir atteint son apogée commençait à se faire cruellement sentir.

 

Aujourd'hui, l'antisionisme réhabilite officiellement l'antisémitisme, puisque c'est précisément dans le pays de Sion, juif parmi les Gentils, que vivent les « Sémites » concernés. De nombreux pseudo-justiciers se chargent, un peu partout dans le monde, qui n'est peut-être que provisoirement encore libre – puisqu'il est, provisoirement ou non, dévoré petit à petit, tranche après tranche, par un nouveau système totalitaire importé d'Orient – de corriger, par

ce que l'on pourrait appeler leur « antisionito-sémitisme », les membres de cette communauté. La presse fait état presque quotidiennement d'agressions en tous genres ; quant aux pouvoirs publics, ils ont trop tendance à déplorer avec un brin d'ironie et de complaisance, les « manifestations » que la situation au Proche-Orient rend pour eux compréhensibles.

 

Certains héros de ce récit, ou antihéros, sont inspirés d'un ou de plusieurs personnages ayant réellement existé. D'autres sont purement fictifs, en « image de synthèse ». Il en va de même pour les événements, bien que les plus invraisemblables soient souvent les plus révélateurs de la réalité. Ces ressemblances, fortuites ou non, ne devraient pas susciter de protestations, car il y a prescription.

 

Et puis, un mot en passant : les accents et autres particularités du langage de certaines figures sont rendus en français dans le texte, exceptés un ou deux cas précis. …..

Pour rentrer en contact direct avec l'auteur en Israël, en savoir davantage, et commander l'ouvrage directement auprès de l'auteur. (prix de l'ouvrage 80 NIS)

Contact -

yeochouasultan91@gmail.com  

Yéochoua Sultan, POB 1166, 90628 Bet-El - ISRAEL


Bonne découverte !

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 15:35


SINGERLes éditions Stock viennent de publier des nouvelles inédites
d’ Isaac Bashevis Singer. Ces nouvelles, écrites à différentes époques de la sa vie, avaient paru dans le Forward, journal yiddish new-yorkais.  Cette publication    enchantera  les admirateurs du  grand écrivain, disparu en 1991.

 

 
Né en Pologne en 1904, Isaac Bashevis Singer a émigré aux Etats-Unis en 1935. Comme de nombreux Juifs,  il fuyait son pays natal où régnait un antisémitisme virulent. A la même époque, après 1933, les familles juives qui avaient pu obtenir un visa pour le Nouveau Monde quittaient l’Allemagne nazie. Puis les portes de l’Europe se sont fermées et c’est après 1945 que sont arrivés aux USA des rescapés des camps de la mort.
I.B. Singer a connu  ces hommes et  ces femmes, dont beaucoup vivaient dans la misère, ces réfugiés dont il s’est inspiré dans ses œuvres. Dans ce recueil l’écrivain précise qu’il avait été  pendant plusieurs années  responsable du courrier des lecteurs d’un journal yiddish. Il dit avoir utilisé dans sa prose les confidences de ses correspondants. Ainsi nous ne saurons jamais si la terrible nouvelle intitulée « Le tableau »,  est fondée sur un  fait réel.
Singer fait revivre aussi la Varsovie de son enfance, des personnages aux  traditions religieuses et  aux coutumes ancestrales.
Singer   peint ses contemporains, leurs défauts, jalousie, faiblesse,  colère,  duplicité, traitrise… sans complaisance mais avec tendresse et ironie . . « Chez les hassidim, l’amour était aussi peu casher que le porc ».
 
Des immigrants aux vies ratées
 
Parmi les réfugiés décrits par Singer, on trouve des déracinés, originaires d’Allemagne ou de Pologne qui n’ont pas su trouver leur place dans la société américaine. Ainsi nous découvrons :
- un acteur déchu : vedette à Berlin dans les années 30,  réduit aux rôles de figurant à Hollywood ; en 20 ans on n’entendra sa voix que dans une courte phrase « Quel sale temps ! »,
-  un érudit, auteur d’un ouvrage savant dont seuls 20 exemplaires ont été vendus,
- une esthéticienne, qui se dit  exaspérée par les bavardages de ses clientes et devient « maquilleuse de cadavres ».
- un couple des rescapés de la Shoah qui décide  de se suicider, mais n’ose franchir le pas…
 
Singer, conteur né
 
Dès les premières lignes de ce recueil dans sa traduction française, nous sommes captivés. Ceux qui ont la chance de comprendre  le yiddish affirment que la traduction la plus habile nous prive du charme, de la saveur de cette langue parlée par les Juifs d’Europe centrale pendant des siècles.
Fantaisie et humour sont toujours  présents, alternant avec le  pessimisme de l’auteur sur la condition humaine et la vanité de toute chose.
 
Les femmes dans l’univers de Singer
 
Les héroïnes de Singer  sont souvent laides, les cheveux teints volontiers en roux, le nez plat ou crochu, couvertes de bijoux, ignorantes, profiteuses, attendant la mort d’un mari qu’elles n’ont pas aimé pour se remarier, un mari qu’elles ont trompé avec un ami de la famille, parfois difforme, bossu ou nain.
Dans  « Les aventures d’un idéaliste », l’auteur demande à son « traducteur » de rédiger un chapitre sur la fourberie des femmes…
 Echappe à la règle la belle et mystérieuse Hanele dans  « Heschele et Hanele ». Il est vrai qu’il s’agit là d’un rêve.
 
Une grande variété de ton et de sujets
 
Ces treize nouvelles, par leur style et leur contenu toujours différent, sont l’illustration de la faculté permanente de Singer  de se renouveler : nous passons de l’histoire d’un pseudo-écrivain, campé dans « Les aventures d’un idéaliste », , à celle d’un lacet de chaussure en fin de vie ou encore celle d’une perruche égarée, faisant irruption dans l’ appartement de l’auteur situé dans le Bronx, au centre de New York, dans un immeuble de 18 étages …
Et l’on est particulièrement ému  lorsque Singer, le journaliste yiddish, se met en scène.
 
La philosophie et la morale de Singer
 
Certains thèmes reviennent régulièrement sous la plume de l’écrivain :
-          le scandale de l’abattage des animaux : on sait que Singer était végétarien et qu’il comparaît l’attitude des humains vis-à-vis des animaux à celle des nazis vis-à-vis des Juifs,
-          son scepticisme contre la croyance en un Tout-Puissant qui a toléré les horreurs de la Shoah,
-          son jugement sur la vie,  règne de l’éphémère et de l’absurde pour toutes les générations : « Les jeunes ne croient pas en la vieillesse et les vieux aspirent à se sentir jeunes ».
http://www.guysen.com/articles.php?id=15845&art_mail=1
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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 15:03

APPelFELD-copie-1.jpgAu printemps 2001, je retrouvais Aharon Appelfed devant un café latte, entre les murs blancs et frais de la Ticho House, rue du Rav Kook, à Jérusalem, où, chaque jour, l'auteur de L'Immortel Barfuss (Seuil, 2005) se rendait pour écrire ou "polir" son manuscrit en cours. La Ville sainte était alors couverte de banderoles et de posters bizarres louant la naissance de Jésus et l'amour universel. Ces affiches criardes, à demi arrachées par les intempéries et les oxydes de carbone, étaient tout ce qui restait des célébrations oecuméniques prévues pour le nouveau millénaire, et annulées à l'automne précédent - lorsque l'ambitieux plan de paix des années 1990 avait sombré dans le sang et la violence de la deuxième Intifada. Depuis, pas un jour ne passait sans un nouvel attentat. Ce jour-là, ce fut rue Agrippine, où la voiture mal garée qu'essayait de dégager une conductrice explosa, arrachant les jambes de la femme et tuant deux autres personnes.

A un kilomètre de là seulement, pas un signe de ce chaos ne traversait l'enceinte de la Ticho House, au jardin tropical, aux fleurs noyées dans l'éclat du printemps de Jérusalem, où s'élevait la voix douce, aux discrètes inflexions ironiques, d'Aharon Appelfeld.

La narration lumineuse, presque naïve, des romans d'Appelfeld cache le même profond paradoxe. Si toute son oeuvre est centrée autour d'un cataclysme historique, chacun de ses livres, cependant, gomme autant que possible toute référence à l'Histoire. Appelfeld "déshistoricise les événements", note Philip Roth dans l'entretien qu'il a réalisé avec lui (Parlons travail, Gallimard, 2006). Non que ses récits manquent de réalisme, au contraire, mais leur étrangeté radicale vient précisément du tissage extrêmement particulier qui unit dans ses livres détails concrets et absence radicale de toute question de causalité. C'est le cas dans Tsili (Belfond, 1989), où les seules notations expliquant ce qui se passe tiennent en deux phrases : "La haine se déchaîna", puis "les Juifs ont disparu", et où tout est vu à hauteur de l'héroïne, une petite fille de 12 ans, cachée dans la campagne après le massacre de son village et parfaitement désorientée. Plus radical encore, dans Badenheim 1939 (L'Olivier, 2007), qui décrit la transformation d'une station balnéaire autrichienne en lieu de détention pour un groupe de vacanciers juifs, aveugles à leur sort, seuls le titre et la dernière phrase du livre aident le lecteur à situer ce qui se passe.

D'autres écrivains de la Shoah ont employé le même procédé avec des effets similaires - Jirí Weil dans Vivre avec une étoile (Denoël, 1992), par exemple, ou Jerzy Kosinsky dans L'Oiseau bariolé (J'ai lu, 2007). Mais, dans Le Garçon qui voulait dormir, Appelfeld semble pour la première fois faire de cette méthode narrative le sujet même de son livre. Les rêves dans lesquels plonge Erwin-Aharon chaque fois qu'il veut échapper aux réfugiés dont il partage le sort, à l'entraînement sioniste auquel il est soumis, au discours des orthodoxes religieux ou à ceux des communistes, sont, on le comprend vite, les portes du sommeil par où le temps s'abolit. Derrière elles s'offre à nouveau pour lui la pastorale anhistorique des juifs assimilés d'Europe, son foyer des Carpates, père, mère, servante, ainsi que le chien Miro : "Ta vraie vie", lui disent-ils.

Si l'Histoire est un cauchemar dont il s'agit de s'éveiller, pour citer James Joyce, le réveil se fait cette fois par le rêve. (Et ceux que le paradoxe étonnent peuvent se souvenir que, pour les juifs, le jour commence quand la nuit tombe.) Au coeur de cette "vraie vie" se tient le père, un homme qui n'a "toujours vu que le Bien, alors même que celui-ci n'existait plus". C'est un écrivain non publié. Paradoxe supplémentaire, et signe qu'Appelfeld ne cède pas à un spiritualisme simpliste, le génie de cet homme ne se révélera vraiment que dans les camps - lorsque ses récits aideront les déportés à supporter ce qu'ils subissent avant d'être assassinés.

Ainsi, entre courage et naïveté, entre illusion et sainteté, un monde englouti lance-t-il ses ultimes lueurs tandis que l'Histoire - dans ce contexte, l'esprit du Mal - arrache, délocalise l'être, fait de lui un déplacé permanent. "Le début de ma conscience : le début du tracé qui reliait "d'où ?" à "vers où ?"", note Appelfeld dans son livre Histoire d'une vie (L'Olivier, 2004, prix Médicis étranger).

Et peut-être est-ce ainsi qu'il faut entendre sa définition de lui-même comme juif plutôt que comme Israélien. Si la création de l'Etat d'Israël est le moyen par lequel les juifs sont entrés dans l'Histoire, Appelfeld ne peut que s'y sentir exilé. Mais gare aux conclusions hâtives : lorsqu'il émet le voeu de "rentrer à la maison", c'est, en rêve, sa mère qui a le dernier mot : "Attends que ton père soit rentré des camps", lui dit-elle. Si le sionisme est une tragédie, celle-ci durera tant que durera l'Histoire. En attendant, le conte, la nuit, seront le refuge, le seul foyer encore intact.

Marc Weitzmann, journaliste et écrivain

 

http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/06/23/le-paradoxe-appelfeld_1539628_3260.html

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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 08:36

 

Au fil des ans, Henri Minczeles s’est affirmé comme Le spécialiste du judaïsme de Pologne et de Lituanie. Ses ouvrages sur le sujet font autorité. Qu’on pense à son superbe « Vilna, Wilno, Vilnius. La Jérusalem de Lituanie » (1) préfacé par Léon Poliakov, à sa remarquable et monumentale histoire des Juifs de Pologne (2) ou encore, écrit en collaboration, à sa belle étude sur les Litvaks (3).
 
Le sujet de son nouveau livre se retrouve, mais de manière éparse, dans son travail précédent. L’avantage incontestable, cependant, de cette étude, est de réunir l’ensemble des connaissance sur le mouvement juif ouvrier et, notamment, sur ses débuts avec la création du Bund et, en contrepoint, celle du sionisme politique. « Les origines du mouvement ouvrier juif, c’est une saga, un brin de fierté, l’honneur de nos arrières grands-parents, le désir ardent de sauvegarder une identité propre dans la « prison des peuples » du régime tsariste, de rechercher l »égalité et acquérir des droits, devenir citoyen à part entière tout en revendiquant son particularisme » nous dit l’auteur en préambule.
 
Après avoir décrit minutieusement la société juive de la fin du 19ème siècle, évoqué l’apparition d’une classe ouvrière juive et la condition misérable du prolétariat juif, Henri Minczeles montre combien il fut difficile pour les Juifs à franchir le cap pour se constituer en partis politiques, passant de la « Hevra », la communauté fraternelle des croyants aux luttes sociales.
 
En 1870 et 1871, les premières grèves éclatent dans les manufacture de tabac de Vilna, dans les unités de production de Byalistok et dans les filatures de coton de la Neva. Plus tard, en 1885, c’est le Cercle de Vilna, un groupe juif, qui déclenche la grève des ouvrières de bonnetterie. Plus tard encore, en 1889-1890, les cercles juifs se rassemblent à Vilna. Le groupe social-démocrate juif est fondé sous la direction d’Arkadi Kremer, « der Taté », le père du Bund, et de ses amis : Samuel Gojanski, John Mill, Tsema’h Kopelson, Abraham Mutnik et Vladimir Kossovski. On sera reconnaissant à Minczeles de nous faire redécouvrir des personnages passionnants mais oubliés comme Avram Gordon, Samuel Rabinovitch, Itzhok Mord’he Pezachon, Julius Martov et tant d’autres et de nous rappeler qu’il existait un mouvement socialiste juif conséquent à Varsovie. Sans oublier ce qui se passait également dans le monde yiddish des Etats-Unis, du Canada, d’Amérique du Sud, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et, bien entendu, de France où se multiplièrent à l’époque, les « Landmanshaften ».
 
Un chapitre est consacré à la création du Bund, le « Yiddisher Arbeter-Bund in Russland un Polyn » , en 1897 à la même époque que le Congrès de Bâle qui donne naissance au sionisme politique. Deux visions presque antagonismes du monde juif. « L’antisionisme militant du Bund n’a eu d’égal que l’antibundisme des troupes sionistes de droite et de gauche, bien que de nombreux points de doctrine leur soient communs, notamment avec les Poale Tsion ».
 
Des tableaux chiffrés, des notices biographiques, des poèmes, des repères chronologiques et une iconographie complètent cet ouvrage intéressant et chaleureux.
 
Jean-Pierre Allali
 
(*) Éditions Syllepse. 2010. 222 pages. 22 euros.
(1)Éditions La Découverte, 1992.

(2)« Une histoire des Juifs de Pologne. Religion. Culture. Politique ». Éditions La découverte, 2006.

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 08:03

FONTANELLE SHALEV-copie-1Les romanciers israéliens traduits dans les langues européennes connaissent un grand succès. Même des publics sans affinités particulières avec Israël apprécient la production littéraire d’un pays pour lequel ils n’éprouvent pas forcément de sympathie. Cette réussite est-elle due aux qualités propres de cette littérature ou faut-il y voir le résultat d’une conjonction de facteurs échappant en partie à la qualité de cette littérature ? Est-ce le reflet de l’attention, bienveillante ou sceptique, que le monde occidental porte à l’État juif ? Dans ce cas, l’intérêt pour la jeune littérature hébraïque ne serait en somme que le résultat d’un transfert du politique au culturel. La centralité des questions politiques en Europe et leur relative occultation en Amérique du Nord expliquerait pourquoi l’Europe fait meilleur accueil à la littérature israélienne que les États-Unis et le Canada – même si ce clivage est également lié à la difficulté de promouvoir la littérature en traduction au public américain [1]. L’accueil enthousiaste réservé au cinéma israélien semble corroborer l’hypothèse du lien entre facteurs littéraires et extralittéraires dans la popularité dont jouissent les auteurs israéliens de Berlin à Madrid et de Dublin à Prague. Est-ce à dire que l’enthousiasme pour les lettres israéliennes ne serait que la conséquence de la focalisation des médias sur les aléas de la guerre et de la paix au Moyen Orient ?

Une perception décalée ?

Amos_Oz.jpgDepuis l’affirmation des écrivains de la « Nouvelle vague » dans le courant des années 1960, le roman israélien apparaît bien souvent comme une tribune politique. Les deux principaux représentants de cette « Nouvelle vague », Amos Oz et Abraham B. Yehoshua sont connus pour leurs opinions de gauche et leurs prises de position sur le conflit israélo-palestinien. Cette fonction tribunicienne a été relayée par des auteurs de la génération suivante comme Meir Shalev et David Grossman qui se sont exprimés avec véhémence sur la dernière guerre du Liban et sur d’autres sujets brûlants de la politique israélienne. La collusion entre les dimensions politique et littéraire est particulièrement évidente dans les recensions qui ont été écrites dans la presse internationale sur les œuvres de ces écrivains. La plupart du temps, les recenseurs négligent la dimension formelle et artistique des romans qu’ils présentent et se focalisent sur leurs contenus idéologiques. Bien souvent, ce qui intéresse au premier chef le public européen est la stature morale de l’écrivain et ses déclarations sur des sujets d’actualité, plutôt que la création d’un univers fictionnel. Dans une interview d’Amos Oz publiée dans The Guardian le 14 février 2009, l’auteur de l’article, Aida Edemariam, cite Jacqueline Rose, la fondatrice de la revue Jewish Independent Voices, pour qui la folie de Hannah, l’héroïne de Mon Michaël, est principalement causée par le souvenir obsédant des deux jeunes Arabes Halil et Aziz, en lesquels certains critiques ont cherché à reconnaître une synecdoque du peuple palestinien occulté de l’histoire. Et pourtant, de l’aveu même de l’auteur, la hantise de Hannah n’est pas due à la culpabilité d’avoir volé leur terre au peuple palestinien, mais bien plutôt au traumatisme laissé par le siège de Jérusalem et à la crainte de voir recommencer cet éprouvant cauchemar, au terme de ce que l’auteur appelle un « sursis » (borrowed time) [2]. Si les anciens compagnons de jeu de Hannah obsèdent la jeune femme, c’est bien parce que, depuis 1948, ils habitent de l’autre côté de la frontière israélo-jordanienne, c’est-à-dire dans un endroit géographiquement proche, que les vicissitudes de l’histoire ont transformé en un ailleurs inaccessible et inquiétant. Certains lecteurs européens ont cherché à voir dans Mon Michaël un roman traitant des conséquences de la Guerre des Six Jours. En fait, cette œuvre écrite entre 1964 et 1966 met en scène la crainte et l’angoisse de la population juive de Jérusalem avant la réunification de la ville, non la culpabilité somme toute assez récente des Israéliens de gauche mal à l’aise dans leur rôle d’occupants.

 

Dans la même interview, le roman autobiographique Une histoire d’amour et de ténèbres est présenté comme le récit de la création de l’État d’Israël autant sinon plus que l’histoire de la désintégration d’une famille. Cette perception est caractéristique d’un lectorat pour qui la perspective subjective de l’autobiographe compte moins que le contexte historique dans lequel il s’insère. Mais pour qui s’intéresse à l’écrivain en tant qu’individu, un tel écart dans la lecture d’Une histoire d’amour et de ténèbres apparaît comme un contresens inspiré par une focalisation exclusive sur la question palestinienne.

Même si le rôle d’Amos Oz comme porte-parole de la gauche israélienne est indéniable, son succès à l’étranger est en partie dû à l’exagération de cette fonction politique exercée par l’écrivain engagé [3]. Les médias européens cherchent à le présenter avant tout comme un militant humaniste et pacifiste, otage d’un État perçu comme cynique et belliciste. Le dialogue de sourd entre le romancier israélien et les lecteurs venus assister à sa causerie est révélateur d’un malentendu plus général qui se fait jour dans la réception d’Amos Oz, A. B. Yehoshua et David Grossman par les lecteurs européens qui ont tendance à percevoir ces auteurs comme plus pacifistes qu’ils ne sont réellement [4]. Ce décalage entre l’image pacifiste ad extra et les prises de position politiques ad intra de ces trois auteurs révèle une différence de fond entre le pacifisme européen, option théorique depuis que les guerres ont pour théâtre des régions situées en dehors de l’espace Schengen, et sa contrepartie israélienne qui est avant tout un réflexe de guerriers fatigués et de mères anxieuses pour leurs enfants postés en première ligne. Les répercussions de la guerre, qui agitent certains romans israéliens comme L’Amant d’A.B. Yehoshua ou Un juste repos d’Amos Oz, confèrent à la littérature israélienne une dimension documentaire susceptible de fasciner des lecteurs nés après la Seconde Guerre mondiale pour lesquels les tanks, les bombes et les grenades ne constituent pas un référent palpable, mais un signifié entré dans l’histoire ou relégué dans un ailleurs, menaçant ou fascinant selon les cas....

 

LIRE LA SUITE...

http://www.laviedesidees.fr/La-seduction-israelienne-de-la.html

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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 17:51

Taguieff IsraelSi l’ancienne « question juive », liée aux problèmes de l’« émancipation » politique des Juifs et de leur « assimilation » dans les sociétés de culture chrétienne, est bien aujourd’hui chose du passé, l’entrée de l’État d’Israël dans le champ de la polémique antijuive a fait surgir une « question israélienne » au cœur de l’antisionisme radical. Cette « question israélienne » est devenue une « question juive » avec l’islamisation du discours antisioniste, qui mêle les arguments de type nationaliste ou ethno-nationaliste aux thèmes politico-religieux du fondamentalisme musulman. La mise en question du droit à l’existence d’Israël constitue le thème central de la nouvelle « question juive ».

 

Comme le répète l’article 28 de la Charte du Hamas, qui résume en une phrase l’idéologie antijuive du mouvement islamiste : « Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. » Le programme « antisioniste », considéré dans ses formulations radicales, a un objectif explicite qui revient à vouloir « purifier » ou « nettoyer » la Palestine de la « présence sioniste » ou « juive », considérée comme une « invasion » qui souille une terre palestinienne ou arabe (pour les nationalistes) ou une terre d’Islam (pour les islamistes). L’enracinement et l’expansion, dans l’imaginaire du monde musulman, d’un grand récit négatif sur Israël et le « sionisme » constituent l’un des principaux obstacles à l’établissement d’une paix véritable et durable au Proche-Orient. La propagande et l’endoctrinement « antisionistes » entretiennent la haine et la méfiance à l’égard d’Israël, désormais profondément inscrites dans les mentalités des populations proche-orientales. En politique, prendre ses désirs pour la réalité, c’est l’illusion dangereuse par excellence. Ce qui est sûr, c’est qu’il est politiquement et géopolitiquement irresponsable de rechercher la paix en continuant de sous-estimer la ré-islamisation dans un sens jihadiste de la cause palestinienne. C’est là rêver les yeux ouverts. Derrière la flambée d’illusion lyrique qu’a provoquée le « printemps arabe » des premiers mois de 2011, l’islamisation de la cause palestinienne est loin de refluer.

 

À l’époque de l’affaire Dreyfus, Max Nordau notait avec sagacité : « Nous pouvons faire ce que nous voulons, aux yeux de nos ennemis, les Juifs du monde entier ne font qu’un. » Mieux vaut souffrir de n’être pas aimé que disparaître sous les applaudissements de ses ennemis. En 2011, la région proche-orientale tout entière est devenue une zone de turbulence et d’instabilité dans laquelle l’hypothèse de nouveaux affrontements armés paraît la plus vraisemblable. Aussi faible soit-elle, la probabilité d’une reconnaissance entre Israël et ses ennemis actuels doit cependant faire l’objet d’une espérance active. Il n’est pas impossible qu’une telle paix soit possible. Mais il est sûr que le chemin tortueux qui y conduira ne sera pas jonché de roses. L’Histoire ne saurait échapper au tragique.

Pierre-André Taguieff, extrait de Israël et la question juive, © Les provinciales, 2011.

Présentation complète du livre

Livre disponible en librairie ou en cliquant ^ ici

http://www.lesprovinciales.fr/-Israel-dans-le-tragique-de-l-.html


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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 10:37

SABATO.jpgLe Rav Haïm Sabato est enseignant à l’école talmudique sous contrat avec l’armée de Ma’alé Adoumim. Il est cependant reconnu comme écrivain par le grand public en Israël. Son premier roman, Téoum Kavanot, a été publié en 1999 et a obtenu le prix Sapir un an plus tard. Il décrit la guerre de Kippour, vue par un étudiant de yéchiva qui rapporte les combats comme des souvenirs, et qui y ajoute ses impressions et ses réflexions. Le titre est difficilement traduisible en français, du fait de son double sens. Littéralement, il s’agit d’une «coordination ou d’une synchronisation de visées, ou d’objectifs», ce qui concernerait concrètement le réglage des armes et la bonne marche des équipes de soldats, mais le livre parle aussi des «intentions et de la conviction», à savoir d’un renforcement religieux pour une prière sincère, récitée avec conviction. Le livre a été adapté pour le cinéma, bien que les raisons du sentiment de culpabilité du héros ne soient pas les mêmes, du livre au film. Il a été traduit en anglais sous le titre Adjusting sights,  et en français sous le titre de Lunes d’automne.

 

Le Rav Sabato, interrogé par Aroutz 7, a déclaré qu’il n’y avait aucune contradiction entre la Torah et la littérature. Il s’explique: «La rupture qui existait dans le passé, entre la littérature et le monde de la Torah, consistait en une crise artificielle due à la période de l’émancipation. A cette époque, la littérature servait de moyen pour attirer les étudiants à l’extérieur des écoles talmudiques. Cette crise n’était donc pas fondamentale. Les valeurs contenues dans la littérature débordent de valeurs juives. De la même façon, dans la prière et le chant liturgique, on trouvera toujours un style poétique.» Il explique que l’inspiration qui lui permet d’écrire provient précisément de la littérature provenant du monde de la Torah: «J’ai toujours été attiré par le Midrash, ainsi que par des expériences profondes qui ont laissé en moi une forte emprunte, comme la guerre de Kippour ou encore par d’autres faits, anodins ou retentissants. J’ai ressenti un besoin de partager ces expériences. A posteriori, j’ai compris que la littérature représentait un moyen très particulier pour exprimer des sentiments religieux de repentir, de prière et de foi.»

 

Il considère que l’écriture permet d’imprégner le lecteur de sentiments profonds, bien au-delà de débats souvent stériles. Il commente les réactions à ses publications: «Après que mes livres sont sortis, j’ai reçu énormément de réactions. Aussi bien de rabbins des écoles talmudiques de Bené-Berak que de membres de kibboutzim. Ils m’ont écrit que leur foi s’est revigorée.» A la question si la lecture de romans ne consiste pas en une perte de temps, il a apporté une réponse nuancée: «Cela dépend pour qui et ça dépend quand. Je pense que la littérature est une pierre précieuse, mais la Torah est plus chère que les pierres précieuses, rien ne peut l’égaler. Je ne dirai pas à un homme qui  étudie la Torah d’aller lire des livres. Mais même pour ceux qui l’étudient, il y a des pauses, d’un thème étudié en profondeur à l’autre. Alors, à ces moments, au lieu de s’occuper de tout et de rien, on peut lire des histoires imprégnée de la crainte du Ciel, ce qui ajoute une dimension à l’âme. »

Y. Sultan

 

http://www.israel7.com/2011/06/la-semaine-du-livre-hebraique/

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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 08:56

APPelFELD.jpgLe récit d'un jeune garçon déporté : comment se réadapter, continuer et espérer après l'indicible.

La voix d'Aharon Appelfeld est la plus poignante de la littérature israélienne. Hantée par la Shoah et par l'exil, cette voix-là ne cesse de faire revivre les heures les plus ténébreuses de l'histoire du XXe siècle. "Dépossédé et déraciné, il est l'auteur dépaysé d'une littérature elle-même dépaysée et il a fait de cette expérience un sujet qui n'appartient qu'à lui", a dit Philip Roth à propos d'Appelfeld, dont plusieurs romans décrivent son enfance cauchemardesque : né en 1932 en Bucovine, le jeune Aharon fut déporté dans un camp de concentration roumain dont il s'évada à l'âge de 13 ans avant d'être recueilli par l'Armée rouge, de traverser l'Europe avec un convoi d'orphelins et de débarquer en Palestine. 

C'est cette période de sa vie qu'évoque Appelfeld dans Le garçon qui voulait dormir. Erwin, son jeune narrateur, a 17 ans. Il vient d'arriver en camion dans un camp de réfugiés, près de Naples. Encore traumatisé par ce qu'il a enduré, il s'accroche au sommeil "avec une force phénoménale", en espérant pouvoir oublier ses souffrances et la mort de ses parents. Et malgré son extrême fragilité, il suit un entraînement physique intense sous les ordres d'Efraïm, un émissaire de l'Agence juive grâce auquel il s'initie aussi à l'hébreu, avant de monter sur un bateau et de se retrouver dans une ferme, au coeur des montagnes de Judée. 

"Parler hébreu était une obligation et, ainsi, nous serions en mesure de faire le lien entre la langue et la terre", dit Erwin, qui raconte ensuite sa très périlleuse adaptation dans un monde inconnu où il devra apprendre à s'enraciner, tout en lisant très intensément la Bible et en rêvant de devenir écrivain, comme son père, afin de "le ramener à la vie et de lui rendre la parole". Avec ce récit autobiographique, Appelfeld - Prix Médicis étranger en 2004 - signe une parabole magnifique sur l'exode, sur les tourments d'une enfance sacrifiée et sur les pouvoirs rédempteurs de la langue, lorsqu'elle devient le miraculeux instrument d'une renaissance. 

 

André Clavel (Lire)

 

http://www.lexpress.fr/culture/livre/revivre-a-17-ans-apres-la-deportation_1002612.html

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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 17:44

Venant de relire pour la énième fois le très beau roman de Chaim Potok, Le Livre des Lumières, je saisis l'occasion pour republier cet article paru autrefois dans le regretté magazine culturel VISION D'ISRAEL.

 

PotokR375 16feb09Chaïm Potok (1929-2002) occupe une place de choix parmi les écrivains juifs américains du vingtième siècle. Il est en effet - aux côtés d’Isaac Bashevis Singer, de Bernard Malamud, de Saül Bellow ou de Cynthia Ozik – un des représentants les plus talentueux de cette « école juive de New York » qui a produit certains des plus grands romans du siècle passé. Mais il est aussi un de ceux qui ont donné le contenu le plus juif et le plus universel à cette forme particulière de l’écriture romanesque, devenue presque un genre littéraire sui generis : le roman juif américain.

 

 

Né en 1929 à New York, dans le Bronx, Herman Harold Potok est le fils d’immigrants juifs de Pologne. Son père, Benjamin Max, est horloger et bijoutier. Ses parents lui donnent une éducation juive orthodoxe. Très jeune, il se met à dévorer les auteurs classiques américains (James Joyce, Ernest Hemingway, William Faulkner) et européens (Thomas Mann, Evelyn Waugh). Il poursuit ses études juives jusqu’à son ordination comme rabbin (par le Jewish Theological Seminary, affilié au courant conservative), à l’âge de 25 ans. Parallèlement, il obtient un diplôme de littérature anglaise à la Yeshiva University. Son intérêt pour le judaïsme et pour l’écriture va déterminer sa carrière rabbinique et littéraire.

 

En 1955, Potok est envoyé en tant qu’aumônier militaire en Corée du Sud, où il passe deux ans. Cette expérience lui inspirera un de ses plus beaux livres, Le Livre des lumières (The Book of Lights) publié en 1981. Il se marie en 1958 avec Adena Sara Mosevitzky, qui lui donnera trois enfants. Entre 1964 et 1975, il est rédacteur en chef de la Jewish Publication Society et de la revue Conservative Judaism. Son premier roman, L’élu (The Chosen) paraît en 1967 et révèle immédiatement son talent littéraire. Adapté au cinéma en 1981, il fait l’objet d’une suite, La Promesse, publiée en 1969. Entre 1967 et 1990, Potok publie ses plus grands romans : Je m’appelle Asher Lev (1972), Au commencement (1975), Le Livre des lumières (1981), La Harpe de Davita (1985), et Le don d’Asher Lev (1990). Son œuvre romanesque est traduite en de nombreuses langues et publiée en France chez Buchet Chastel.

 

 

Un maître de l’écriture romanesque

 

Outre ses romans précités, Potok a également publié des livres pour enfants et une Histoire du Peuple Juif. Mais l’aspect le plus marquant de son écriture est indéniablement son immense talent romanesque. Si les livres de Potok ont connu un tel succès, aux Etats-Unis (où son premier roman, L’élu, s’est vendu à 3 millions d’exemplaires) et à l’étranger, c’est d’abord parce qu’il a su donner vie à des personnages inoubliables : Reuven Malter et Danny Sanders (L’élu, La Promesse), Asher Lev (Je m’appelle Asher Lev, Le don d’Asher Lev), ou Gershon Loran (Le Livre des Lumières) qui comptent parmi les plus beaux héros de romans du vingtième siècle.

 

Le talent de Potok réside à la fois dans sa technique romanesque, dans son style (qui a été comparé à celui d’Hemingway) et dans le contenu de ses livres. A cet égard, il est un parfait exemple de romancier juif au plein sens du terme, qui décrit un monde dans lequel le judaïsme n’est pas seulement une origine familiale ou un destin imposé par l’histoire, mais une vocation librement consentie et vécue dans toute sa richesse humaine et spirituelle.

 

Cette caractéristique des romans de Potok est particulièrement frappante si l’on compare son œuvre à celle des autres grands écrivains de l’école juive de New York. Bashevis Singer, son illustre aîné, a atteint une notoriété mondiale en dépeignant l’existence juive en Pologne avant la Shoah et en Amérique. Mais les personnages juifs de Singer sont le plus souvent des étudiants juifs de yeshivot qui ont quitté le monde juif traditionnel – comme Singer lui-même, fils de rabbin – pour rejoindre celui de l’Occident, en Europe ou aux Etats-Unis. Chez Potok, les héros juifs sont enracinés dans la communauté hassidique new-yorkaise, et même ceux qui choisissent une voie différente, à l’instar d’Asher Lev, restent membres de cette communauté, au prix de déchirements et de conflits très difficiles.

 


A la recherche du « paradis mystérieux de la tradition »

 

Ce contenu juif des romans de Potok, c’est d’abord celui du hassidisme et du mouvement Habad, dont il a décrit le développement en Amérique de manière fidèle et inspirée. Les pages de ses romans (Je m’appelle Asher Lev notamment) où il décrit le Rabbi et ses fidèles dans la communauté Habad new-yorkaise comptent parmi les plus belles de son œuvre. Avec un talent inégalé, Potok a su rendre de manière romancée l’existence de cette communauté et l’incroyable volonté de reconstruire le judaïsme qui animait le Rabbi de Loubavitch après la Shoah. Rien que pour cela, Potok mérite d’entrer au panthéon de la littérature juive contemporaine.

 

Mais au-delà même de cette description authentique et vivante, il réussit à faire partager au lecteur la tension qui anime ses personnages, partagés entre la fidélité à la tradition dans laquelle ils ont grandi et leurs aspirations intellectuelles, artistiques ou professionnelles. Ce thème omniprésent chez Potok, qui lui a été inspiré par sa propre adolescence (il avait pensé devenir peintre, ce qui était inconcevable dans le milieu juif orthodoxe où il a grandi), confère à ses livres leur force et leur attrait particulier pour les lecteurs de notre génération.

 

A la différence d’un Bashevis Singer dont les personnages appartiennent à une génération qui voulait quitter l’univers de la Tradition, trop étroit à leurs yeux, pour découvrir le monde extérieur, Potok décrit des héros enracinés dans cette Tradition, qui ne veulent pas s’en éloigner, mais la concilier avec leurs aspirations personnelles (il n’est pas fortuit que Potok ait été longtemps membre du courant conservative). Un critique français a écrit que les livres de Potok parlaient à notre génération qui était celle du retour et de la recherche de Dieu.

 

Plus précisément, nous sommes ce que Gershon Loran (le héros du Livre des lumières, qui n’est autre que Potok lui-même) appelle des « Zwischenmenschen », des personnes-entre-les-deux, qui n’appartiennent ni totalement au monde de la Tradition, ni totalement à celui de l’Occident moderne. Et c’est pour cela que ses livres nous touchent et nous émeuvent si profondément, parce qu’ils nous parlent de notre propre expérience et de notre recherche d’un paradis juif dont nous avons été éloignés, ce « paradis mystérieux de la tradition » (Jacob Gordin). J’envie le lecteur qui n’a pas encore lu Chaïm Potok, et qui va découvrir un des romanciers juifs les plus attachants et les plus authentiques.

 

 

Itshak Lurçat

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 13:35

nemirovskyhttp://www.lepoint.fr/culture/ecrivains-sous-l-occupation-voir-et-comprendre-13-06-2011-1341409_3.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20110613

 

Quel fut le rôle des écrivains et intellectuels français dans la période tragique de l'Occupation ? Leurs tentations, leurs hésitations, leurs combats, leurs lâchetés, et comment vécurent ceux, prisonniers, déportés, qui étaient confrontés à l'inéluctable ? Cette exposition historique à double titre, qui voyage depuis trois ans et a connu un grand succès à New York, s'arrête à l'hôtel de ville de Paris. Elle est gratuite et il ne faut pas la manquer.

C'est d'abord la presse, à travers les unes des journaux de tous bords, qui raconte ces années noires. Et, à un autre niveau déjà, les revues, qui tissèrent un réseau dont on peine aujourd'hui à mesurer l'importance... Une grande carte de Paris littéraire situe les lieux d'une intense activité toutes professions confondues. Et, au long des travées, 800 pièces d'archives donnent à comprendre et à ressentir les enjeux aussi nombreux qu'énormes de cette période.

 

Éluard et Mounier contre Drieu La Rochelle et Céline

On doit cette profusion, rigoureusement maîtrisée par période et par thème, à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine, qui a rarement aussi bien porté son nom, puisant dans ses fonds d'archives (écrivains, éditeurs, presse...) des documents de diverses natures, correspondances, photographies, papiers administratifs, manuscrits et jusqu'aux impressionnantes boîtes en bois contenant les fiches de la liste Otto.

Suivre les itinéraires singuliers plutôt que d'opposer les grands noms de la Résistance, Pierre Seghers, Paul Éluard, Pierre Emmanuel, Emmanuel Mounier ou Max-Pol Fouchet, à ceux de la Collaboration, Céline, Drieu La Rochelle ou Jouhandeau, tel est le parti pris d'un parcours qui demande temps et attention, mais c'est la condition d'une cartographie nuancée. Les différentes parties, de "Résister" à "Solidarités internationales", attendent le visiteur, guidé dans chacune par des cartels clairs et détaillés, qu'il s'agisse de L'honneur des poètes (éditions de Minuit) ou encore de l'histoire de la célèbre NRF.

 

"Il s'apprête à tirer le rideau sur lui-même"

À ce sujet, il faut s'approcher de la vitrine consacrée à Drieu La Rochelle pour lire ses échanges avec Maurice Sachs, et ce témoignage sur l'intellectuel que son choix va condamner : "Il s'apprête à tirer le rideau sur lui-même." Lire aussi cette lettre que Georges Hyvernaud, prisonnier, écrivit à sa petite-fille et ne lui enverra pas : "Jouer aux idées, cela m'est arrivé à moi aussi. Autrefois. Ce n'est pas tellement difficile : tout le secret est de faire comme si la réalité n'existait pas. Mais quand on y est en plein, dans la réalité, on ne se dit plus que deux ou trois choses banales. Deux ou trois choses qui comptent vraiment. Évidentes, essentielles. Des choses sérieuses. Nées d'une expérience sans tricherie. Des choses d'homme. Le reste, bon pour les singes de salon ou d'académie."

Lire encore, sous la plume de Marguerite Duras, ces mots à Robert Antelme : "Tu es vivant." Il faudrait tout lire ! Heureusement, le catalogue réédité par Taillandier attend le visiteur pour retrouver les moments d'émotion qui l'auront parfois pris à la gorge en se penchant sur les vitrines, et pour explorer plus avant cette matière incomparable. À l'hôtel de ville, ces temps-ci, l'occupation a des visages humains, quels qu'ils soient. L'archive dans sa distance et sa proximité mêlées, telle que la présentent ici Claire Paulhan, historienne de la littérature et petite-fille de Jean Paulhan, Olivier Corpet, directeur de l'Imec, et Robert Paxton, historien spécialiste de cette période et professeur émérite à la Columbia (University), donne, véritablement, à penser.

 

Par Valérie Marin La Meslée


"Archives de la vie littéraire sous l'Occupation", jusqu'au 9 juillet. Hôtel de ville de
Paris, accès libre. Tous les jours sauf le dimanches et les 20 et 21 juin,
de 10H à 19H. Catalogue Taillandier, 446 pages, 39,90 euros.

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