Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 octobre 2020 2 27 /10 /octobre /2020 08:24
EN LIBRAIRIE - Jour de Sharav à Jérusalem

Longtemps épuisé, mon livre Jour de Sharav à Jérusalem est de nouveau disponible, en format Kindle et d'ici peu en format papier.

 

Le « sharav », c'est le vent du désert qui souffle parfois sur Jérusalem, ce qui donne son titre à l'une des nouvelles de cet agréable recueil. Né à Princeton aux États-Unis, l'auteur, qui a grandi en France, vit désormais à Jérusalem. Les textes, très courts mais finement ciselés, qu'il nous offre, se présentent comme autant d'hommages à la cité du roi David. (Jean-Pierre Allali, Crif.org)
 

Avec son livre si poétique, Pierre Itshak Lurçat nous offre toute une palette de couleurs d’émotions. Parfois, c’est la musique que l’on entend presque, tant sa présence revient comme une nostalgie lancinante de ses années de jeunesse, mais aussi comme la résonance de son intégration en Israël. (Julia Ser)
 

Lurçat n’est pas un portraitiste phraseur. C’est l’amour du peuple juif qui le porte et il est contagieux. La Ville Sainte qui le fascine abrite ses émotions et offre un écrin à ces histoires. « A Jérusalem, qu’on le veuille ou non, on est porté vers le haut » confie Lurçat. La photo en couverture du livre prend alors tout son sens. Ces destins qui traversent ces pages sont comme les cordes de cette harpe, tendus vers le ciel, qui vibrent en harmonie, traversés par un impératif d’élévation. (Katie Kriegel, Jerusalem Post)

Lisez ce livre, et relisez-le. Il mérite de prendre place à côté des meilleurs écrits de la littérature franco-isréalienne ou israélo-française… Le vibrato de ce livre tient aussi à cette structure particulière où chaque abacule vit sa vie pour mieux participer à la composition. Il est beau ce petit livre, entre Paris et Jérusalem, entre passé et présent, entre ici et là-bas. Comment ne pas y être sensible ? (Olivier Ypsilantis)

L’auteur : Né aux Etats-Unis, Pierre Itshak Lurçat a grandi en France et vit à Jérusalem depuis 1994. Traducteur de Jabotinsky, journaliste et écrivain, il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes de vie issus de la sagesse juive (Presses du Châtelet 2001). Il anime le blog d’actualité « Vu de Jérusalem ».

Partager cet article
Repost0
3 août 2020 1 03 /08 /août /2020 18:24


 

Et soudain, au détour du sentier, la clairière s’était logée tout entière dans son regard ébloui avec, au-dessus d’elle, une large tache d’un bleu séraphin.

Alors une partie de son enfance avait surgi ; autrefois, dans la détresse de l’exil, elle avait dû trouver une forme de consolation dans ce contact nouveau avec la nature… Et, à cet instant, la nostalgie poignante de ce qui avait été une perte, en même temps qu’un don, avait fait surgir les images oubliées de Souzy, les avait révélées dans la lumière de la clairière où toutes les nuances de vert s’étageaient jusqu’au bleu”.


 

Comme tous les grands livres, on peut aborder Le tranchant de la lumière de différentes manières. A travers la quête d’une enfance perdue et retrouvée, c’est d’abord le récit poignant d’une enfant cachée pendant la Shoah, qui tente de reconstituer par les mots ce dont elle a été largement privée - une enfance marquée par la blessure de l’absence d’une mère internée à Drancy, disparue sans qu’elle sache si elle reviendrait un jour (“Faut-il donc toujours craindre de voir disparaître ceux qu’on aime?”). Mais le drame de la séparation et de la disparition (provisoire) de la mère n’est qu’un aspect du livre. 

 

En même temps que la perte, comme l’écrit l’auteur, il y a le don, que l’enfant saura faire vivre et fructifier. Ce don concomitant à la perte, il est tout d’abord celui d’un regard acéré sur le monde environnant. Très jeune, l’enfant recueillie par une tante et confiée à une nourrice en Essonne apprend ainsi à poser un regard étonné et curieux sur la nature qui l’entoure. Dans ce regard attentif, souvent émerveillé, on voit naître la vocation future de l’artiste, qui saura un jour faire revivre, sur sa pellicule ou sur la toile, les premières impressions de l’enfant qu’elle a été.

 

Si elle avait eu besoin de ce retour, ce n’était pas seulement pour revoir des lieux décisifs de son enfance qu’elle avait en partie enfouis. C’était aussi pour ressaisir dans son corps le sens si particulier de leur éclat. C’était bien cet éclat qu’elle avait recherché ou simplement reconnu par la suite, au cours de ses déambulations, à travers la photographie ou la peinture, sans toujours pouvoir en désigner l’origine. Il lui avait permis de voir les choses avec une intensité et une vérité qui l’apaisaient”.

 

 

Le “tranchant de la lumière”,  c’est aussi cette omniprésence de la lumière et de son caractère insaisissable que la narratrice du livre tente de saisir, avec ses mots, avec son appareil photo, et de fixer sur le papier, par l’écriture et par la photographie. Car le photographe, tout comme l’écrivain, s’efforce d’immobiliser ce qui est par définition mouvant et instable : la réalité du monde qui nous entoure, tout comme celle du souvenir et du vécu intérieur. Les pages évoquant le village, les descriptions de la nature paisible et de la vie à la campagne sont parmi les plus belles du livre. La troisième dimension du livre (mais il y en a d’autres encore), c’est celle de la redécouverte de l’identité juive. 

 

Le livre s’ouvre ainsi sur la vision de l’église du village, qui surgit majestueuse, au-dessus du champ de maïs. Quand la narratrice retrouve la maison de sa tante, où elle a passé une partie de la guerre après l’internement de sa mère, le nom de la  rue des Fèves lui fait penser à la galette des Rois, ce “gâteau d’Epiphanie”. “La maison de tante Suzanne, c’était cette graine d’Epiphanie longtemps enfouie et qui germait en cet instant dans la douce chaleur de l’émotion”... Les références chrétiennes sont toujours présentes, de manière plus ou moins visible, dans cette terre de France qui demeure imbibée de son passé et de son histoire.

 

Les platanes, photo Evelyne Tschihart


 

Dans les dernières pages, le narrateur se trouve à Jérusalem, et elle se laisse guider par la foule jusqu’au “Mur des Lamentations”. “Ida ignorait à peu près tout de la religion de ses ancêtres, mais elle se sentait pourtant profondément imprégnée de cette ferveur qui s’exprimait là… Les mots de la prière lui manquaient mais sa fidélité à ce peuple était intacte et sereine, pour les suppliciés, pour sa mère, pour la transmission qui avait tant manqué et pour ce peuple qui vivait, ici et maintenant, dans sa fierté retrouvée”. Ainsi, le périple de la narratrice sur les traces de son séjour d’enfant caché en Essonne se double d’un autre voyage, à la fois extérieur et intime, en quête de son identité juive. C’est à Jérusalem qu’elle trouve une réparation au manque de la famille maternelle, dans ce voyage qui est “à la fois un retour aux sources et un moment d’apaisement”. Un très beau livre.

Pierre Lurçat

 

Evelyne Tschirhart, Le tranchant de la lumière, éditions Terra Cota 2013.

Site de l’auteur : http://www.tschirh-art.com/

Partager cet article
Repost0
21 mai 2020 4 21 /05 /mai /2020 08:57
EN LIBRAIRIE - Eliane Amado Lévy-Valensi Itinéraires, par Sandrine Szwarc

La destinée d’Éliane Amado Lévy-Valensi est unique. Cette philosophe, psychanalyste et intellectuelle juive a longtemps fait figure d’héroïne occultée d’une époque qu’elle a pourtant marquée de ses batailles avec ténacité, générosité et constance. Le cours de sa vie et ses engagements audacieux ont conditionné son œuvre et accompagné les soubresauts d’un XXe siècle fécond entre désespoir et espérances. Née en Provence au lendemain du Premier Conflit mondial dans une famille de Juifs séfarades assimilés, elle subit la Shoah de plein fouet avant de céder au chant des sirènes du jeune Israël. Cet essai rend justice à la mémoire d’une femme libre et engagée, philosophe et psychanalyste, dont l’œuvre pluridisciplinaire mérite admiration et reconnaissance.

https://www.editions-hermann.fr/livre/9791037001238

Partager cet article
Repost0
30 mars 2020 1 30 /03 /mars /2020 17:17

Je profite du confinement pour ranger ma bibliothèque et pour m’acquitter d’une dette agréable, celle de rendre compte du livre de Linda Bortoletto, paru en 2019. Ce livre est un petit trésor, disons-le d’emblée, qui réjouira tous ceux qui rêvent aujourd’hui de randonnées et d’excursions sur les sentiers d’Eretz-Israël. Il s’agit en effet du récit d’un périple mené par l’auteur sur le “Shvil Israël” - le sentier de randonnée qui traverse Israël du Nord au Sud - entre décembre 2018 et février 2019.

 

L’auteur, officier de gendarmerie jusqu’en 2011, a tout quitté - son métier, son mari et son pays - à la suite du traumatisme de la mort de son père. C’est en sillonnant les régions les plus reculées de Sibérie, d’Alaska et de l’Himalaya qu’elle a redonné un nouveau sens à sa vie. Son livre est parsemé de réflexions et d’enseignements tirés de son expérience personnelle, notamment lorsqu’elle était en poste à Roubaix en 2005. (Elle avait alors lu dans un rapport de renseignements cette phrase qui l’a marquée : “Nous sommes là pour conquérir la France, par tous les moyens”...)

 

Le point de départ de ce livre et de son périple sur  le Shvil Israël est une rencontre : celle d’un groupe d’Israéliens, croisés dans l’Himalaya trois ans plus tôt. Ils lui parlèrent du Shvil et de son surnom, le “chemin des Anges”, donné en raison des “anges” gardiens qui accueillent les randonneurs à chaque étape. Linda n’a pas oublié cette rencontre, et dès que l’occasion s’est présentée à elle, elle est partie à la découverte d’Israël. Ce livre est donc le récit de cette rencontre, tout autant que son journal de marche.

 

Photo :  Linda Bortoletto


 

En le lisant, je me suis souvenu de la chanson “Koum véhitale’h ba-aretz”, de Yoram Taharlev, et d’autres chants de marche en hébreu. Dans les premières années de l’Etat, et bien avant 1948, les jeunes Israéliens avaient l’habitude de partir à la découverte de leur pays à pied. Cette mode est revenue avec l’inauguration du Shvil Israël en 1995. 

 

Plus encore qu’un récit de voyage, le livre de Linda Bortoletto est un véritable cri d’amour pour notre pays et notre terre, écrit par une personne qui n’avait aucun lien a priori avec Israël. Raison de plus pour le découvrir et pour suivre les traces de l’auteur sur le Sentier national d’Israël… dès que les portes de la nature seront réouvertes! En attendant, bonne lecture. 

 

Pierre Lurçat

Pour en savoir plus sur le Shvil Israël :

le site de l’auteur : http://lindabortoletto.com/israel

autres liens : https://www.israeltrail.net/

https://www.teva.org.il/israeltrailsmaps

 

Photo : Linda Bortoletto © 

 

 

Partager cet article
Repost0
17 mars 2020 2 17 /03 /mars /2020 12:28

Présentation de l’ouvrage

Qui s’en souvient ? En 1968, la Pologne a de nouveau été traversée par une campagne antisémite, cette fois, orchestrée par le pouvoir communiste.
Toute une génération – ou presque –, celle qui a environ vingt ans à ce moment-là, se retrouve obligée de partir, n’emportant que très peu d’« affaires personnelles ».
Cinquante ans plus tard, Agata Tuszyńska va à la rencontre de celles et de ceux qui ont dû quitter leur pays et se sont exilés à travers le monde. En réunissant d’émouvants témoignages, elle nous fait entrer au cœur de cette génération de Juifs, souvent enfants de la nomenklatura communiste, ignorant pour la plupart leur judéité et le passé de leurs parents.

 

Extrait du récit

« Nous étions des enfants sans grands-parents, sans famille éloignée.  »

« La maîtresse a fait un petit discours sur la guerre. Stefan m’a dit : « Toi aussi tu es juive. » « Moi », je lui ai répondu, « sûrement pas. » Je l’ai répété à la maison… et il avait raison. J’avais dix ans.  »

« Il fallait faire une liste des objets et des livres qu’on voulait emporter. J’ai décidé de détruire mes lettres, cartes postales, calendriers, journaux intimes. Tout est parti en fumée.  »

https://www.editionsdelantilope.fr/project/affaires_personnelles/

Partager cet article
Repost0
16 mars 2020 1 16 /03 /mars /2020 15:54

 

1

Il n’existe aucune traduction en français de Nathan Alterman, le grand écrivain israélien mort à Tel-Aviv, il y a tout juste cinquante ans (1). Alterman avait pourtant un lien particulier avec la France, pays où il avait passé trois ans au début des années 1930, âgé d’une vingtaine d’années, tout d’abord à Paris, pour s’isoler et écrire loin du bruit et de la fureur des événements en Eretz-Israël, puis à Nancy, où il étudia l’agronomie. Comme d’autres villes universitaires françaises, Nancy attirait en effet alors de nombreux étudiants “palestiniens” (c’est-à-dire des Juifs venus d’Eretz-Israël), qui voulaient acquérir un métier d’avenir. Et l’avenir, à cette époque, c’était le travail de la terre.

 

Nathan Alterman (1910-1970)

 

Parmi les étudiants qui firent le même choix que Nathan Alterman, citons les noms d’Anya Jabotinsky, femme du dirigeant sioniste, qui étudia elle aussi à Nancy, et de la poétesse Rahel Blaustein, qui étudia l’agronomie à Toulouse. L’histoire de ces étudiants eretz-israéliens séjournant en France reste à écrire, tout comme celle de l’influence culturelle que la France a exercé sur certains des plus grands écrivains israéliens, parmi lesquels figurent notamment Yehoshua Kenaz, Amos Kenan ou encore David Shahar, le seul écrivain israélien dont une rue porte le nom en France.(2) Comme d’autres écrivains israéliens francophiles, Alterman traduisit en hébreu plusieurs oeuvres importantes de la littérature française, comme L’Avare et Le Malade imaginaire de Molière, l’Antigone d’Anouilh et le Phèdre de Racine.

 

2

Le cinquantenaire de la disparition d’Alterman est l’occasion pour les journaux israéliens d’évoquer cette grande figure des lettres israéliennes, qui joua aussi un rôle significatif dans la vie politique et le débat idéologique, notamment après 1967, en s’engageant dans le “Mouvement pour l’intégrité de la Terre d’Israël”, fondé juste après la Guerre des Six Jours. Alterman fut une des chevilles ouvrières de ce mouvement auquel participèrent des écrivains aussi importants que Joseph Samuel Agnon (futur prix Nobel de littérature), Haïm Gouri, Haïm Azaz, Itshak Shalev, mais aussi Rachel Ben Tsvi-Yanaït (épouse du président de l’Etat Itshak Ben-Tsvi). Selon certaines sources, c’est lui qui rédigea le manifeste “pour l’intégrité de la terre d’Israël”, signé par 60 personnalités, qui fut publié à la veille de Rosh Hashana 1968, quelques mois après la fin de la guerre (3).


 

Alterman aux côtés de Moshé Dayan, 1948

 

On a peine à imaginer aujourd’hui que ce mouvement intellectuel en faveur du maintien de la présence juive en Judée-Samarie, sur le Golan et dans le Sinaï, qui réunissait la “crème” du monde des lettres israélien de l’époque, était constitué majoritairement par des hommes de la gauche sioniste, et non par des proches du Herout. Il comptait ainsi, outre les noms déjà mentionnés, ceux de Tsivia Lubetkin, combattante du ghetto de Varsovie et fondatrice du kibboutz Lohamei Hagettaot, Moshé Tabenkin, membre du kibbutz Ein Harod dont son père, Itshak Tabenkin, était un fondateur et un des principaux idéologues du parti travailliste, et de nombreux autres représentants de la gauche sioniste et du mouvement kibboutzique. A leurs côtés se trouvaient aussi une poignée de membres de la droite sioniste, dont les écrivains Uri Zvi Greenberg, Moshé Shamir et l’idéologue du Lehi, Israël Eldad.


 

3

Comment et pourquoi Alterman, considéré comme la “voix intellectuelle” par excellence du sionisme travailliste, fut-il amené à s’engager en faveur “d’Eretz-Israël ha-shelema” (l’intégrité d’Eretz-Israël)? Les avis sur cette question importante divergent. Dan Laor, le biographe d’Alterman, observe à ce sujet que la guerre des Six Jours fut pour Alterman une véritable illumination. “Il vécut une véritable révolution intérieure, du jour au lendemain”, explique Laor. “Ce fut comme une illumination. La guerre ébranla les fondements de la terre, et en tant que poète et que sismographe, ressentant les courants souterrains traversant la société israélienne, il aboutit à une conclusion opposée à tout ce qu’il avait cru auparavant”.(4)  L’écrivain Moshé Shamir, lui aussi signataire du Manifeste, estime au contraire que l’engagement d’Alterman en faveur du “Grand Israël” s’inscrivait dans le droit fil de son engagement sioniste d’avant 1967. 


 

Au café Kankan de Tel-Aviv, années 1940. Alterman est le troisième en partant de la gauche


 

Cinquante ans après la naissance du Mouvement pour l’intégrité d’Eretz Israël, quelle a été sa postérité? A de nombreux égards, l’appel lancé par Alterman, Agnon et les autres signataires du manifeste s’est soldé par un échec apparent. Non seulement l’Etat d’Israël n’a pas écouté leur appel, en annexant la Judée, la Samarie et le Sinaï, mais il a au contraire adopté le paradigme trompeur des “territoires contre la paix”, en rejetant l’identification entre Eretz-Israël et “Medinat Israël” qu’Alterman avait célébrée. Si l’on examine, avec le recul du temps, les causes de cet échec apparent, il semble que les principaux responsables aient été les écrivains des générations suivantes,  celles d’Amos Oz, d’A.B. Yehoshua et de David Grossman. Ce sont eux, les porte-parole de La Paix Maintenant, qui ont fait du renoncement au coeur de l’Israël biblique (au nom de la “!paix”) leur principal cheval de bataille, avec le succès que l'on sait.

 

4

La comparaison entre Amos Oz et Alterman est révélatrice. Le premier, né Amos Klausner, a changé de nom de famille pour effacer l’éthos sioniste révisionniste de la famille de son père, et poussé à son paroxysme l’attitude du rejet des racines, familiales et nationales. Son pacifisme politique n’exprimait pas seulement l’aspiration à une paix utopique - fondée sur un mensonge (celui du peuple palestinien) - mais aussi l’attitude d’une génération tout entière qui, croyant briser les idoles de ses parents, a sacrifié pêle-mêle Ben Gourion et Jabotinsky, le Second Temple et la rédemption nationale, le kibboutz et les implantations, l’héroïsme des soldats et la juste cause du retour du peuple juif sur sa terre. Histoire d’amour trahi, de désamour et de ténèbres (5).

 

Amos Oz, avec A.B. Yehoshua et David Grossman

 

Alterman, de son côté, a bâti toute son oeuvre sur la fidélité et l’attachement aux valeurs dans lesquelles il avait été élevé. Né à Varsovie en 1910, de parents issus de familles de hassidim de Habad, qui s’étaient s’éloignés de la pratique religieuse pour s’engager dans le mouvement sioniste, Nathan Alterman grandit et vécut avec ses parents et sa grand-mère, la rabbanit Sterna Leibovitz, jusqu’au décès de celle-ci. Du fait de sa présence, le foyer resta casher. “Sa grand-mère était pour Alterman le vestige d’un monde entier et d’une tradition que ses parents avaient quittée”, explique Laor, qui attache une grande importance à la présence de cette grand-mère maternelle dans le foyer familial de l’écrivain.

 

L’attitude d’Alterman après 1967 est ainsi celle d’un homme qui a grandi dans l’éthos sioniste de la gauche, et qui y est resté attaché de manière indéfectible, même lorsque la gauche sioniste fut atteinte de la maladie du renoncement et du doute (maladie qu’il avait lui-même annoncée dans un poème fameux). “La renonciation volontaire [à la Judée-Samarie] est une chose cruelle et insensée, qu’aucune nation saine d’esprit n’aurait imaginé”, écrivait-il en juin 1969. Et dans son article séminal, publié le 16 juin 1967 dans Ma’ariv, sous le titre “Face à une réalité sans précédent”, il écrivait : “La victoire a supprimé toute différence entre l’Etat d’Israël et la Terre d’Israël. C’est la première fois, depuis la destruction du second Temple, que la terre d’Israël se trouve dans nos mains. L’Etat et la Terre font désormais un, et il ne manque plus que le peuple d’Israël, pour tisser le triple lien indissociable”.

 

La prophétie d’Alterman s’est réalisée depuis. Tout d’abord, avec l’alyah massive des Juifs d’URSS, qu’il avait annoncée et souhaitée. Puis, avec le peuplement de la Judée-Samarie, dont il avait été un des premiers à proclamer la nécessité. Il ne reste plus aujourd’hui, pour transformer l’échec apparent d’après 1967 en réussite et parachever la victoire miraculeuse des Six Jours de juin, qu'à annexer enfin les territoires libérés et à donner corps à l’identité entre l’Etat d’Israël et Eretz-Israël qu’Alterman avait prophétisée. Saurons-nous être à la hauteur du testament de l’écrivain? L’histoire reste encore à écrire.

Pierre Lurçat

 

Funérailles de Nathan Alterman. Au premier rang, Golda Meir et le rabbin Shlomo Goren


 

(1) A l’exception de quelques poèmes dans des anthologies, que je n’ai pas recensés.

(2) A Dinard, ville où séjournait sa traductrice Madeleine Neige. J’aborde les liens entre les écrivains israéliens et la France ici, et dans mon livre Israël, le rêve inachevé, La maison d’édition 2018.

(3) Selon Makor Rishon, dans le numéro spécial du supplément Dyokan consacré à N. Alterman, 13/3/2020.

(4) Roi Aharoni, “Les trois dernières années occultées d’Alterman”, Olam Katan 12/3/2020.

(5) Voir notre article, “Comment Amos Klausner est devenu Amos Oz”. http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/12/quand-amos-oz-s-appelait-encore-amos-klausner-une-histoire-de-des-amour-et-de-tenebres-pierre-lurcat.html

Partager cet article
Repost0
19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 14:00

À la résidence Les Centenaires on y vient pour finir sa vie. Un monde clos, dans un cadre méridional et ensoleillé où la vie des vieux pensionnaires s’égrène lentement, scandée par la routine des repas, des siestes, des attentes de visites et des querelles, sans oublier les « activités ». Véra et Marcel y vivront leurs dernières années. Au fil de ses visites régulières, leur fille fait le récit minutieux, presque clinique et poignant, de ces vies qui s’amenuisent inexorablement. Elle s’acharne à recueillir, à faire resurgir et à comprendre des pans de ce qui fut leur vie, d’autant que ce récit de la grande vieillesse, s’articule sur l’irréparable drame qui a frappé la lignée maternelle, tout entière engloutie dans la Shoah. Seule survivante, Véra sera libérée in extremis de Drancy. Hantée par ce crime, elle est assiégée par la disparition des siens jusqu’au seuil de la mort. On découvre aussi qu’à travers cette recherche scrupuleuse, se trouve le défi à relever : survivre aux survivants.

Le dialogue entre Véra et sa fille court tout au long du récit et conduit cette dernière à s’interroger, alors qu’elle n’a pas été élevée dans la religion, sur le judaïsme dont elle est, de fait, partie prenante. À travers l’histoire familiale restituée par la narratrice, se profile l’Histoire d’un peuple toujours menacé d’anéantissement, sous la nouvelle bannière de l’antisionisme.

L’auteur, Évelyne Tschirhart fait vivre ce couple au seuil de la mort avec ses bons et difficiles moments. Elle brosse aussi le tableau de la vie en maison de retraite, de ces pensionnaires parfois hauts en couleur qui occupent la scène des Centenaires comme le chœur d’une tragi-comédie humaine. LR♦

MABATIM.INFO

« Les centenaires », d’Evelyne Tschirhart, Éditions de Passy
Partager cet article
Repost0
17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 07:49

La négation de l’homme au coeur de la folie du monde :

Trois livres pour comprendre le monde qui nous entoure, Pierre Lurçat

 

Quand les idées “deviennent folles”, quand le monde perd ses repères les plus profonds, il nous reste la capacité de tenter de comprendre, à défaut de pouvoir changer le cours des choses. Les trois livres ci-dessous apportent un peu de lumière sur les changements les plus radicaux que connaît le monde actuel, sous l’effet conjugué des nouvelles technologies, mais plus encore des conceptions philosophiques qui les sous-tendent. Le premier est celui d’un romancier et essayiste, le deuxième a été écrit par un philosophe et le troisième par un psychiatre. Trois regards bien différents,mais qui convergent dans une analyse lucide et convaincante des dérives d’un monde sans Dieu et qui a oublié l’homme.

 

La fin de l’individu, de Gaspard Koenig

 

Présentation de l’éditeur (L’Observatoire) :

 

Quel avenir pour l’individu et ses libertés à l’ère de l’intelligence artificielle ? Pour répondre à cette question urgente, Gaspard Kœnig a entrepris un tour du monde de San Francisco à Pékin, d’Oxford à Tel Aviv et de Washington à Copenhague. Il a rencontré plus de 120 professeurs, entrepreneurs, intellectuels, politiques, économistes, artistes, et même un magicien.

 

Au fil de ce périple émerge une véritable philosophie de l’intelligence artificielle (IA). Celle-ci ne menace pas l’existence d’Homo sapiens et les robots ne voleront pas nos emplois. En revanche, en déployant des techniques d’optimisation, de prédiction et de manipulation à grande échelle, l’IA remet en cause le fondement même de nos Lumières : l’idée d’un individu autonome et responsable.

L’intelligence artificielle nous prépare ainsi des droits sans démocratie, un art sans artiste, une science sans causalité, une économie sans marché, une justice sans coupable, des amours sans séduction… à moins que nous ne reprenions le

contrôle”. 

 

J’ajoute que ce livre sur un sujet sérieux est écrit comme une enquête et agréable à lire.

 


 

La philosophie devenue folle. Le genre, l’animal, la mort, de Jean-François Braunstein

Ce livre, paru il y a déjà un an, est sans doute le plus effrayant des trois : il ne traite pas de la folie des machines (écrans ou ordinateurs), mais bien de la folie des hommes, capables d’inventer des théories délirantes aux effets destructeurs.

Présentation de l’éditeur (Grasset)

“Trois débats nous obsèdent : autour du genre, des droits de l’animal, de l’euthanasie. Et trois  disciplines politiquement correctes traitent désormais de ces questions dans le monde universitaire  : gender studies, animal studies, bioéthique. Cependant, lorsqu’on lit les textes des fondateurs de ces disciplines, John Money, Judith Butler, Peter Singer, Donna Haraway et quelques autres, on s’aperçoit que, derrière les bons sentiments affichés, se font jour des conséquences absurdes sinon abjectes. 

 

Si le genre n’est pas lié au sexe, pourquoi ne pas en changer tous les matins  ? Si le corps est à la disposition de notre conscience, pourquoi ne pas le modifier à l’infini  ? S’il n’y a pas de différence entre animaux et humains, pourquoi ne pas faire des expériences scientifiques sur les comateux plutôt que sur les animaux ? Pourquoi ne pas avoir de relations sexuelles avec son chien ? S’il est des vies dignes d’être vécues et d’autres qui ne le sont pas, pourquoi ne pas liquider les «  infirmes », y compris les enfants « défectueux » ? Pourquoi ne pas nationaliser les organes des quasi-morts au profit d’humains plus prometteurs ?

Jean-François Braunstein a mené un travail considérable et novateur  : il a lu les milliers de pages de ces penseurs célébrés dans le monde occidental  ; il revient sur leurs idées, leurs contradictions, leur parcours personnel ; il analyse, souligne, contredit, déconstruit. L’erreur consiste à vouloir «  effacer les limites » : entre les sexes, entre les animaux et les humains, entre les vivants et les morts. Il convient, au contraire, d’affronter ces limites qui nous constituent. Oui, parfois la philosophie devient folle, quand elle oublie l’homme.

 

 

Les ravages des écrans. Les pathologies à l’ère numérique, de Manfred Spitzer


Présentation de l’éditeur (L’échappée) :

 

“En s’appuyant sur de très nombreuses recherches et études scientifiques internationales, le grand psychiatre et spécialiste du cerveau Manfred Spitzer montre à quel point notre dépendance aux technologies numériques menace notre santé, tant mentale que physique. Elles provoquent chez les enfants et adolescents comme chez les adultes de nouvelles maladies et en rendent plus fréquentes d’autres : baisse des performances cognitives, troubles du sommeil, dégradation des capacités d’attention et de concentration, tendance à l’isolement et au repli sur soi, dépression, disparition du sentiment d’empathie, etc. Et même, chez les plus jeunes, baisse de la motricité et des capacités de perception. 

 

Ce vaste tableau des connaissances scientifiques sur les effets des écrans, enfin traduit en français, a rencontré un immense écho en Allemagne et dans le monde entier où il a provoqué nombre de débats et de prises de conscience. Cette synthèse majeure s’articule à une réflexion critique profonde qui ne se contente pas de lancer l’alerte sur les cyberpathologies. Elle nous apprend aussi à nous en protéger et à agir à titre préventif. Une contribution absolument cruciale pour tenter d’éviter un désastre psychologique et social.

 

Partager cet article
Repost0
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 10:50

Présentation de l'éditeur (L'échappée)

Manfred Spitzer

Traduit de l'allemand par Frédéric Joly

En s’appuyant sur de très nombreuses recherches et études scientifiques internationales, le grand psychiatre et spécialiste du cerveau Manfred Spitzer montre à quel point notre dépendance aux technologies numériques menace notre santé, tant mentale que physique. Elles provoquent chez les enfants et adolescents comme chez les adultes de nouvelles maladies et en rendent d’autres plus fréquentes : baisse des performances cognitives, troubles du sommeil, dégradation des capacités d’attention et de concentration, tendance à l’isolement et au repli sur soi, dépression, disparition du sentiment d’empathie, etc. Et même, chez les plus jeunes, baisse de la motricité et des capacités de perception.
Ce vaste tableau des connaissances scientifiques sur les effets des écrans, enfin traduit en français, a rencontré un immense écho en Allemagne et dans le monde entier où il a provoqué nombre de débats et de prises de conscience. Cette synthèse majeure s’articule à une réflexion critique profonde qui ne se contente pas de lancer l’alerte sur les cyberpathologies. Elle nous apprend aussi à nous en protéger et à agir à titre préventif. Une contribution absolument cruciale pour tenter d’éviter un désastre psychologique et social.

Partager cet article
Repost0
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 09:56

Présentation de l'éditeur :

Anna a 35 ans, elle est professeur de français au lycée international de Saint-Germain-en-Laye et sa vie sentimentale est un échec. En couple avec un écrivain brillant qui se désin-téresse peu à peu d'elle, elle se rebelle lorsqu'elle fait la rencontre d'un de ses admirateurs. Plusieurs événements : une entrevue avec la mère d'une de ses élèves, puis un déjeuner en famille, lui donnent l'occasion de se remettre en question. Elle se raconte alors sa propre histoire sous un jour nouveau.

  • Broché - format : 13,5 x 21,5 cm
  • ISBN : 978-2-343-19611-4 • 5 février 2020 • 100 pages

Irène Lurçat est journaliste-traductrice. Elle est l'auteur de guides sur Paris. Passion triste est son premier roman.

Couverture Passion triste

Partager cet article
Repost0