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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 17:52

[PHOTO P.I.LURCAT (C)]

juin-07--Zeruya-Shalev-5.JPGNée au kibboutz Kinneret en 1959, Zeruya Shalev est une des représentantes les plus talentueuses de la nouvelle génération d’écrivains d’Israël. Son dernier livre, Théra, qui vient d’être publié en France, est déjà traduit en 7 langues et les trois précédents ont été traduits en pas moins de 22 langues, parmi lesquelles le grec, le slovène, le croate ou le coréen… Son précédent livre, Mari et Femme, est un best-seller dans plusieurs pays d’Europe, et notamment en Allemagne, où il s’est vendu à plus de 800 000 exemplaires.

 

 

Mariée (avec l'écrivain Eyal Megged) et mère de deux enfants, Shalev a fait des études bibliques, et elle vit aujourd’hui à Jérusalem, où elle travaille comme éditrice. La famille Shalev compte plusieurs écrivains et poètes. « On a ça dans les gènes », explique Zeruya. « A l’âge de 6 ans, j’écrivais déjà et mes parents me lisaient Kafka, Gogol et bien sûr, la Bible ». Née au kibboutz, elle n’y est pas restée longtemps car, précise-t-elle, « mes parents se sont vite aperçus qu’il s’agissait d’un système éducatif anormal ». Ils se sont installés à Tel Aviv, avant de déménager à Jérusalem après la guerre des Six Jours.

 

Pour comprendre l’engouement que suscite son œuvre, tant en Israël qu’à l’étranger, il est nécessaire de préciser la place qu’occupe Zeruya Shalev dans le paysage littéraire isréalien. Ses quatre romans, auxquels s’ajoute un recueil de poésie et un livre pour enfants, lui ont suffi à occuper une place en vue au sein de la nouvelle génération d’écrivains d’Israël. Une génération qui, contrairement à celle des Amos Oz, A.B. Yehoshua et David Grossman, refuse de transformer la littérature en manifeste politique.

 

Trop souvent en effet, ces représentants de la « génération de l’Etat » ont confondu le rôle de l’écrivain et celui d’hommes politiques. On peut même se demander si les illustres aînés de Zeruya Shalev - Oz, Yehoshua et Grossman - ne doivent pas leur célébrité mondiale moins à leur talent littéraire qu’à leurs opinions politiques et à leur engagement au sein du mouvement « La Paix Maintenant », dont ils sont devenus les porte-parole attitrés.

 

Or c’est précisément cette confusion des genres que rejettent Zeruya Shalev et d’autres écrivains de sa génération. Dans les romans de Shalev, qui se déroulent en Israël aujourd’hui, on chercherait vainement la moindre allusion politique ou le plus petit indice permettant de deviner ses opinions sur le conflit israélo-arabe ou sur le « problème palestinien »… Zeruya Shalev fait partie de ces écrivains qui, comme Aharon Appelfeld et d’autres, refusent de se laisser enfermer dans le rôle de « l’écrivain israélien engagé qui dénonce la politique de son gouvernement »…

 

On aurait tort de voir dans cette attitude un quelconque repli sur soi ou une tentative de fuir la réalité israélienne. Car Zeruya Shalev, qui a été grièvement blessée dans l’attentat du 24 janvier 2004 à Jérusalem, a éprouvé dans sa chair la dure réalité du conflit et la haine que vouent les Arabes à notre peuple. Quelques semaines avant cet attentat, elle avait même confié, de manière quasi-prémonitoire, sa peur des terroristes kamikazes à une journaliste française…

 

Zeruya Shalev a raconté dans un article de journal l’attentat dont elle a été victime en janvier 2004, alors qu’elle venait de déposer son fils à l’école : « Tout à coup, j’ai entendu un grand boum, c’est ce que disent systématiquement les témoins choqués que l’on interviewe tout de suite après un attentat, je marchais et j’ai entendu un grand boum, je parlais au téléphone et j’ai entendu un grand boum, je me demande s’il y a des mots plus explicites que ceux-là, voilà que ça m’est arrivé à moi aussi, tout d’un coup j’ai entendu un grand boum, mais plus que d’entendre l’explosion je l’ai ressentie dans mon corps, un souffle d’une extrême violence, comme si un immense pied s’était tendu du haut du ciel pour me donner un coup, me soulever dans les airs telle une poupée de chiffon et me projeter sur le trottoir… »

 

 

Le langage universel de la littérature

 

Si Zeruya Shalev n’a pas voulu se laisser entraîner sur la pente facile suivie par les écrivains de « La Paix Maintenant », c’est parce qu’elle a une conception plus élevée de la littérature. Elle connaît la différence entre un roman et une pétition publiée dans les colonnes du journal Ha’aretz… Car le territoire véritable de la littérature ne se situe pas entre la Méditerranée et le Jourdain, dans cet espace minuscule que le monde entier nous dispute. C’est celui, beaucoup plus vaste, de la vie et des mots.

 

Dans le récit de l’attentat dont elle a été victime, Zeruya Shalev s’est expliquée concernant son refus de parler de politique dans ses romans. Elle parle de sa résistance aux « définitions réductrices de droite ou de gauche » et de son « entêtement à ignorer la violence de la réalité extérieure, à continuer d’écrire des romans qui tournent autour de la réalité intérieure, qui examinent l’âme humaine, universelle, qui parlent de la guerre des sexes et non de la guerre des peuples, des frontières affectives et non des frontières géographiques… »

 

C’est parce qu’elle parle ce langage universel de la littérature que ses livres sont lus avec autant de passion dans de si nombreux pays du monde, et que Zeruya Shalev rencontre un succès aussi grand tant en Israël qu’à l’étranger. Ses trois derniers romans constituent une sorte de trilogie, qui tourne autour du couple et de la vie familiale et conjugale. Le premier, Vie amoureuse, décrit une relation passionnelle entre une femme et un homme deux fois plus âgé qu’elle. Le deuxième, Mari et femme, parle de la décomposition d’un couple confronté à la maladie.

 

Son dernier roman, Théra, est la narration d’un divorce et de la tentative de recomposer une cellule familiale, sur les décombres d'un mariage détruit. Avec un langage d’une précision chirurgicale, Zeruya Shalev décrit les tourments d’une femme qui décide de quitter le mari qu’elle n’aime plus et qui tente de retrouver un bonheur fugace, partagée entre le doute, l’appréhension et la culpabilité. Son écriture est parsemée d’images et de réminiscences du Tanakh, que Shalev a étudié, ce qui confère à son style une force et une profondeur quasiment bibliques.

 

Si les romans de Zeruya Shalev ont pu toucher un public aussi vaste, c’est sans doute parce qu’elle décrit des situations qui sont vécues de la même manière dans toutes les villes du monde. En cela, elle est la représentante d’une nouvelle génération d’écrivains israéliens qui redécouvrent, au-delà des vicissitudes de la politique et des discours convenus sur la guerre et la paix – dans lesquels leurs prédécesseurs se sont souvent laissé enfermer avec complaisance – la quintessence de la littérature.

Itshak Lurçat

 

Tous les livres de Zeruya Shalev sont publiés aux éditions Gallimard.

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 09:12

www.upjf.org

 

[Le phénomène n'est pas nouveau. Il est même consubstantiel à la littérature israélienne, traversée dès ses débuts par des courants nihilistes, antisionistes et autodestructeurs, comme l'ont démontré notamment les travaux d'Hillel Weiss. L'article de Dror Eidar, publié dans les colonnes d'Israel Hayom ce matin, aborde ce phénomène à l'occasion des propos scandaleux du poète Nathan Zach, qui vient de déclarer qu'il serait "prêt à se joindre à une prochaine flottille en direction de Gaza". Traduction et notes UPJF.ORG]

 

Nathan_Zach-_photographer_moti_kikayon.jpgIl ne faut pas s'émouvoir des propos de Nathan Zach. Les insultes qu'il a proférées constituent, de manière honteuse, une carte de visite internationale permanente. Si vous ne crachez pas sur Israël et que vous ne vomissez pas comme un ivrogne sur ses symboles nationaux, vous n'êtes pas considéré comme un artiste digne des salons européens. Et de fait, si Nathan Zach n'avait pas rejoint depuis des années la caravane mondiale anti-israélienne, il n'aurait pas obtenu la reconnaissance de la communauté internationale et ses prix [Nathan Zach vient de recevoir deux prix de poésie prestigieux, le Prix Napoli et le Prix Aquila (2010) N.d.T.].

 

Durant toute sa carrière littéraire de poète, Zach est demeuré dans l'ombre du poète Nathan Alterman, qui le dépasse de beaucoup. Zach a tiré profit de sa "révolte" contre Alterman **. Cette révolte a pris des formes poétiques et philosophiques, mais les années écoulées et les interviews accordées au habitants des grottes levantines *** ont révélé une vérité profonde : la révolte contre Alterman était aussi et surtout politique… Car Alterman n'était pas seulement un poète incomparablement plus grand et plus profond que Zach et sa coterie, mais aussi un Juif chaleureux et un sioniste fidèle. Les lignes écrites par Alterman, il y a plusieurs décennies, expliquant que la seule manière de triompher de notre peuple consiste à intoxiquer sa conscience nationale, sont aussi vraies au sujet du dernier spectacle, à vomir, donné par Nathan Zach.

 

Voici la machination de Satan contre le peuple Juif, selon le poème qu'Alterman a laissé après sa mort, comme son ultime testament. "J'émousserai son intelligence et il oubliera que c'est lui qui a raison". N'est-ce pas ce qui est arrivé à Zach, dont la conscience juive et israélienne s'est quelque peu dissoute, et qui est devenu (volontairement, il faut le préciser) prisonnier d'un universalisme falsifié, qui n'accepte l'existence d'Israël qu'à ses propres conditions ? Voyez comment Zach a transformé, dans son narratif et celui de ses amis, la position d'assiégé, pour l'attribuer à ceux qui nous assassinent et souhaitent notre disparition : il est prêt à rejoindre une nouvelle flottille de haine vers Gaza, et qu'Israël aille au diable ! […]

 

Ce n'est pas seulement Nathan Zach : toute une coterie d'écrivains, de poètes et d'artistes tente depuis plusieurs décennies de nous convaincre que l'Etat d'Israël est un Etat prédateur et un monstre, pour que nous acceptions enfin notre suicide collectif ; et si ce n'est pas sur le champ de bataille, alors sur celui de la diplomatie.

 

Certes, il ne fait pas de doute que les positions anti-israéliennes radicales de Nathan Zach lui vaudront une gloire éphémère supplémentaire parmi nos ennemis. Mais il n'est pas certain que la culture hébraïque se souviendra de lui dans une génération.

 

Notes

* Titre original :"Et tout cela pour gagner la sympathie du monde", article paru le 6/10/2010 dans le quotidien Israel Hayom. Dror Eidar est maître de conférences à l’Université Bar Ilan, spécialiste de littérature hébraïque.

** Nathan Alterman (1910-1970), poète, auteur dramatique et traducteur israélien, l’un des créateurs les plus importants de la littérature hébraïque du 20ème siècle. Prix d’Israël en 1958. [Voir l'excellent article publié par le site Un echo d'Israël].

*** Allusion à une récente polémique suscitée par des propos de Nathan Zach (natif d'Allemagne) contre les Juifs sépharades et orientaux ("levantins"). Zach avait opposé les Juifs ashkénazes, venant de la "culture la plus élevée, celle de l'Europe occidentale", aux Juifs orientaux "venus des grottes".

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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 22:10

http://www.un-echo-israel.net/Une-grande-amitie

Dès le début de la 1ère Guerre mondiale, il fut l’un des inspirateurs du mouvement Nili, acronyme hébreu de : “La Gloire d’Israël ne ment pas” [I Samuel 15.29]. Cette organisation offrait des services de renseignements à l’armée britannique au moment où elle se préparait à envahir la Palestine qui croupissait sous le joug de l’Empire ottoman. Pour ce faire, des messages étaient transmis par chaloupe à une unité de la Royal Navy, venue au rendez-vous au large d’Atlit. Mais, à un moment donné, les Anglais cessèrent de coopérer.

Bravant le destin, Avshalom se décida à partir avec un compagnon vers les lignes anglaises qui s’étaient stabilisées aux environs d’El-Arish, pour rétablir le contact avec l’armée tant attendue. Malheureusement, arrivés au sud de la bande de Gaza, aux environs de Rafiah, ils furent interceptés par une bande de Bédouins, en janvier 1917. Blessé mortellement, Avshalom demanda à son camarade de retourner vers le nord pour rapporter aux siens la triste nouvelle qui ne fut pas sans causer de consternation dans tout le Yishouv, autrement dit, dans la communauté juive du pays.

Comme il est bon de laisser du temps au temps, les tenants et les aboutissants du drame furent finalement éclairés de façon inattendue en 1967. Au moment où l’armée israélienne installait un poste d’observation à Rafiah, après la Guerre des six jours, l’un des officiers du camp ne manqua pas d’être intrigué par la présence insolite, dans ce secteur, d’un palmier situé à l’écart. Mais l’un des Bédouins d’une tribu avoisinante, témoin des événements de 1917, le rassura en lui disant : “C’est le palmier du Juif !”. Et d’expliquer que l’homme, enterré là, avait en poche des dattes d’où avait jailli cet arbre isolé. Des examens appropriés confirmèrent qu’il s’agissait bien du corps d’Avshalom qui, dans la fièvre de la victoire, fut en quelque sorte introduit au panthéon national.

Un maître à penser

L’auteur de cette biographie décrit, avec force détails, la vie d’Avshalom à Paris où il était venu pour des motifs d’étude. Sans s’attarder sur les rencontres, pour le moins étonnantes, avec des célébrités telles que Marcel Proust et André Gide, dans un café où ils avaient leurs habitudes, on se limitera ici à réajuster l’idée un peu romancée que l’auteur semble se faire du couple Maritain. Reconnu en Europe et aux Amériques comme le représentant le plus éminent de la pensée catholique au 20ème siècle, J.M. [1882-1973] fut, par ses engagements les plus variés, constamment présent aux grands débats de son temps. Traduit en plusieurs langues, son maître livre Humanisme intégral, a jeté les bases d’une nouvelle chrétienté, non plus ’sacrale’ comme au Moyen-Age, mais ’profane’ et ouverte aux valeurs du monde moderne. Le jour de sa mort, son ami, le pape Paul VI, dira de lui : “Il fut un maître dans l’art de penser, de vivre, de prier”. A cet égard, une anecdote survenue durant la visite de ce pape en Inde ne manque pas d’être éclairante. En effet, au cours d’un entretien particulier avec le Président Shastri, Paul VI fut ému de l’entendre dire en toute simplicité : “Mon maître à penser, c’est Jacques Maritain !”, car il aurait pu faire le même aveu.

Emportée, semble-t-il, par l’effluve d’une imagination créatrice, le biographe d’Avshalom s’étend complaisamment sur le cadre soi-disant bourgeois de la vie des Maritain à cette époque. L’on sait pourtant que le jeune ménage vivait de façon assez austère, si bien que, chez J.M., le côté bourgeois appartenait plutôt à son ascendance. Son grand-père maternel était, en effet, Jules Favre dont l’opposition à Napoléon III avait été notoire. Il devint ministre des Affaires étrangères en 1870 dans le gouvernement de la Défense nationale et fut contraint, à la suite des défaites françaises, de consentir à la capitulation de Paris, puis à un armistice humiliant en janvier 1871.

Dans l’exercice de ses fonctions, il reçut le Chancelier Otto Von Bismark dans sa résidence privée à Versailles, pour finaliser les conditions de l’évacuation du territoire français. Un Rothschild représentait la France dans les négociations de l’indemnité de guerre exigée par la Prusse dont les banquiers étaient Mendelsohn et Bleichröder. Effrayé des cinq milliards de francs or exigés par la Prusse, Jules Favre essaya d’amadouer son hôte en arguant : “Même si quelqu’un voulait compter depuis la naissance du Christ, il n’arriverait pas à une somme si énorme !” Ce à quoi, le ’Chancelier de fer’ répliqua froidement : “C’est pour cela que nous avons avec nous Bleichröder, il compte depuis la naissance du monde !”

Peu après la Première guerre mondiale, la maison des Maritain, à Meudon, devint un pôle d’attraction où affluaient les personnalités les plus en vue du monde des Lettres et des Arts. Dans un style empreint d’une modestie touchante, Raïssa nous a laissé, dans Les grandes amitiés, un écho des heures stellaires de ce qui fut alors un haut-lieu de l’esprit. On signalera à ce sujet que ces souvenirs ne furent rédigés que pour répondre aux instances réitérées de son entourage et en particulier du philosophe thomiste Etienne Gilson.

En dépit de ses sympathies de jeunesse pour l’Action française, J .M. se désolidarisa de cette idéologie dont les options devenaient inquiétantes. Prônant un “nationalisme intégral”, elle se signalait par des attitudes outrancières comme en témoigne l’un de ses mots d’ordre : “La violence au service de la raison l” Sans omettre de rappeler les tendances antisémites de cette formation bourgeoise, le philosophe se justifia, après la condamnation du mouvement par Rome, en publiant Primauté du spirituel qui eut un grand retentissement dans la conscience nationale.

Etant donné ses prises de position face au déferlement du Nazisme, outre-Rhin, il n’est pas surprenant que, suite à l’occupation de la zone nord du pays, l’une des premières démarches de la Gestapo fut de contacter l’Institut Catholique de Paris pour demander où se trouvait le professeur de philosophie. Comme il était déjà en tournée de conférences au Canada, il souhaita revenir en France pour être présent aux souffrances des siens, mais son disciple et ami, l’abbé Charles Journet – devenu par la suite, Cardinal – lui téléphona pour lui déclarer sans ambages : “Je vous donne l’ordre de rester là où vous êtes !

Il serait superflu de préciser qu’il rompit dès le début avec l’ambiance méphitique du régime de Vichy, dont l’administration fut un refuge des plus accueillants pour les membres de l’Action française. Dès sa première rencontre avec le Maréchal, Charles Maurras, l’inspirateur de ce parti réactionnaire, avait du reste salué sa venue au pouvoir comme “une divine surprise”. Cet agnostique en profitait pour souffler à l’oreille du Chef de l’Etat le secret d’une monarchie sans roi et d’une Eglise sans foi.

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Jacques Maritain et Marc Chagall

Durant la guerre, l’appartement des Maritain à New York, devint un havre de paix où aboutissaient bien des victimes de la ’Nouvelle Idée’ un titre dont le parti nazi aimait à s’affubler. L’historien de l’art, Focillon, le prix Nobel Sigrit Undset, Chagall, Elizabeth de Miribel, secrétaire du chef de la France Libre, et bien d’autres encore vinrent se ressourcer à cet endroit. De là, partirent aussi les nombreuses demandes de visa que son prestige lui permettait de faire en faveur des intellectuels juifs qui cherchaient désespérément le moyen de quitter un continent devenu inhospitalier.

L’exilé volontaire évoquera pus tard le climat oppressif de cette époque. “Années de New York, où assiégés par le désespoir tandis que la croix gammée triomphait en Europe, il fallait quand même soutenir les cœurs (et c’est alors que Raïssa a connu la blessure la plus cruelle, la brûlure de l’esprit à la vue de l’agonie des opprimés et des persécutés, et de l’horreur d’un monde que Dieu semblait abandonner).”

Le manifeste qu’il publia peu après la défaite de 1940 : A travers le désastre avait eu un tel impact sur les premiers volontaires de la Résistance qu’on lui demanda d’institutionnaliser son aide aux partisans de la France libre. Ainsi commença la longue série des messages que Radio Londres diffusait chaque semaine dans cadre de l’émission Les Français parlent aux Français où André Gallois et Jean Marin veillaient à entretenir la flamme. C’était l’un des moments forts de ces émissions annoncées par le motif initial – Le destin frappe à la porte ¬de la cinquième Symphonie de Beethoven. Désignant en morse, la lettre ’V’, le signal Pan-pan-pan-pam entendait rappeler à l’adversaire – dans sa langue à lui - qu’il n’était pas le seul à songer à la Victoire.

On ne saurait s’étonner, qu’avec de tels états de service, le pays allait une fois de plus faire appel à lui en lui demandant d’assumer, de 1945 à 1948, le poste d’ambassadeur de France près le Saint Siège. “Je suis rentré, disait-il, à New York le 1er janvier 1945, n’ayant pas réussi à faire renoncer le général de Gaulle et G.B., alors ministre des Affaires Etrangères, à leur projet de me nommer ambassadeur au Vatican. L’acceptation à laquelle j’avais été moralement contraint par leur insistance, et par le sentiment que je ne pouvais me dérober à une tâche demandée au nom du pays encore en guerre m’avait réduit à une sorte de désespoir.

Un témoin fidèle [...]

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 06:45

Né en Pologne en 1920, Aharon Megged est monté en Israël avec ses parents en 1926. Son père, qui était enseignant dans un lycée hébraïque en Pologne, est devenu le premier instituteur du village de Raanana, où il s’est installé avec sa famille. La ville florissante, très prisée aujourd’hui des francophones, était à l’époque un hameau peuplé de 30 à 40 familles, dont les petites maisons bordaient la rue principale… C’est de son père qu’Aharon Megged a hérité l’amour des livres et de la littérature. Membre du kibboutz Sdot Yam pendant 12 ans, il fonde avec un groupe d’amis écrivains le magazine littéraire Massa, étendard de la jeune littérature israélienne des années 1950, dont il est le rédacteur en chef pendant une quinzaine d’années. En 1968, il est envoyé à Londres en tant qu’attaché culturel de l’ambassade d’Israël.

medium_Aharon_Megged.jpg

 

Auteur de 35 livres - dont une vingtaine de romans, ainsi que des nouvelles et pièces de théâtre - Aharon Megged est un des principaux romanciers israéliens contemporains. Son œuvre lui a valu plusieurs prix prestigieux, dont le Prix Bialik (1974), le Prix Agnon et le Prix d’Israël de Littérature en 2003. Ses livres sont traduits en plusieurs langues dont le français. Aharon Megged est le père de l’écrivain Eyal Megged, marié à Zeruya Shalev. Parmi les romans de Megged traduits en français, on peut mentionner Derrière la tête (Phébus 1996), Le Chameau volant à la bosse d’or (Métropolis 1997), et Le poids de l’innocence (Bibliophane – Daniel Radford 2003).

 

Le poids de l’innocence raconte une journée de la vie d’un sexagénaire, ancien bibliothécaire tout juste parti en retraite, qui erre désoeuvré dans les rues de Tel Aviv. Au fil de sa promenade, sans but précis, il se remémore les moments clés de son existence : sa rencontre avec sa femme, Ronyah, rescapée de la Shoah ou la mort de son frère cadet Hilik, tombé pendant la guerre des Six Jours lors des combats sur la colline des Munitions. L’humour d’Aharon Megged a été comparé à celui du romancier américain Philip Roth, mais il y a beaucoup moins de cynisme chez Megged, dont les héros sont décrits avec tendresse, même avec leurs faiblesses et leurs côtés ridicules. On retrouve dans Le poids de l’innocence, tout comme dans Le Chameau volant à la bosse d’or, l’ironie caractéristique de Megged et le thème de la littérature.

 

Dans Le chameau volant à la bosse d’or, un écrivain voit sa vie perturbée par l’arrivée dans son immeuble d’un critique littéraire, qui emménage dans l’appartement au-dessus de lui. Kalman Keren, nourri de littérature française classique et traducteur en hébreu de Rabelais, rêve d’écrire le livre ultime, dont il n’a pour l’instant rédigé que 22 pages en tout et pour tout… A travers cette évocation caustique de la relation entre l’écrivain et le critique, Aharon Megged dresse un portrait plein de drôlerie des relations de voisinage dans un immeuble typique de Tel Aviv.

 

Membre du Parti travailliste pendant plusieurs décennies, Aharon Megged a pris position très fermement contre le courant post-sioniste et contre les dérives de l’intelligentsia israélienne en proie à un syndrome autodestructeur. Dans un article publié en 1994, après les accords d’Oslo, Megged définissait ainsi ce phénomène unique dans toute l’histoire humaine : « une identification émotionnelle et morale de la majorité de l’intelligentsia israélienne avec des gens qui oeuvrent ouvertement à notre destruction ».

 

Il est regrettable que ne soient traduits en français à ce jour que les romans les plus récents d’Aharon Megged, et non ses précédents livres, qui reflètent la transformation d’Israël dans les années cinquante, d’une société pionnière aspirant à l’égalité en une société établie accueillant les vagues d’émigration en provenance d’Europe et des pays arabes. De son propre aveu, Megged tire la matière de son oeuvre de la « poussière de cette terre, ancienne, biblique et nouvelle, pétrie de contradictions et pleine de complexités, objet de guerres perpétuelles et de menaces existentielles ».

Pierre I. LURCAT

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 12:14

http://passouline.blog.lemonde.fr/2010/09/29/qui-etait-vraiment-magda/

 

  madadeux.1285713271.jpg                                             Il ne faut pas toujours se fier aux titres. Certains même, assez bartlebyens dans leur genre, préfèreraient ne pas. Par principe. S’agissant du nouveau roman de Tobie Nathan Qui a tué Arlozoroff ? (425 pages, 20,90 euros, Grasset), ce serait même recommandé. Non que le titre soit mauvais mais il enduit d’erreur (je sais, je sais, mais c’est une licence, on s’autorise parfois de ces choses…). Tout le monde ne sait pas que dans la vie quotidienne israélienne, lorsque “Qui a tué Arlozoroff ?” intervient dans une conversation, c’est un code signifiant qu’il n’y a pas de réponse… Car au fond, l’élucidation de l’assassinat du dirigeant sioniste travailliste Haïm Arlozoroff sur une plage de Tel Aviv le 16 juin 1933 est somme toute une question historique assez éloignée de nos préoccupations, le disparu eut-il été promis au destin de premier président de l’Etat d’Israël comme on l’a souvent dit. En bon lecteur de polar, l’auteur la ficèle très bien, en la composant à la manière d’un journal, avec ce qu’il faut de chausse-trapes, de faux-semblants et surtout de mystères car on a tout écrit et son contraire à propos de cette affaire. Qui a tué : des sionistes révisionnistes (extrême-droite) ? Des Arabes ? Et qui a tué soixante-quinze après, dans les jardins de l’ambassade de France arlozoroff.1285713325.jpgà Jaffa, un vieil homosexuel qui avait été le jouet des SS au camp ? Et que cherche exactement ce reporter français derrière toute cette histoire ? Très vite, on se rend compte que ce roman palpitant en contient un autre en creux. Il tient à la personnalité de la véritable (anti)héroïne de cette histoire, autrement plus complexe et troublante que le rôle-titre. Elle s’appelait Magda. C’est là que… Cherchez la femme, comme toujours.

   Directeur du département politique de l’Agence juive, il quitta la Palestine pour l’Allemagne nazie afin d’y négocier en secret ce que les historiens appellent “des accords de transfert”. Ils furent signés le 25 août 1933 entre la Fédération sioniste d’Allemagne, l’Anglo-Palestine Bank et les autorités économiques du tout nouveau régime national-socialiste. Au terme de marché, les Juifs allemands pouvaient émigrer en Palestine à condition d’abandonner tous leurs biens, quitte à ce que ceux-ci leur soient rendus plus tard, exportés vers la Palestine en qualité de marchandises allemandes. 60 000 juifs et 100 millions de dollars furent ainsi transférés. C’est là qu’intervient la piste Magda. Elle était née Magda Behrend. Cette Allemande émancipée et ambitieuse, dont la mère s’était remariée avec un entrepreneur juif, se lia au lycée d’une forte amitié avec Lisa Arlozoroff, la soeur du futur dirigeant. Ensembmagda-goebbels.1285713177.jpgle, elles militaient dans le mouvement sioniste, portaient une étoile de David en sautoir, apprenaient l’hébreu. Jusqu’à ce qu’elles se perdent de vue. Dans son roman, Tobie Nathan creuse le portrait de celle dont il n’hésite pas à faire la maitresse d’Arlozoroff. C’était jusqu’alors une hypothèse et un secret mal gardé. Là où cela devient intéressant, c’est quand le dirigeant sioniste s’installe à Berlin pour négocier les fameux accords. Il revoit son ex, divorcée d’un premier mari, le richissime chevalier d’industrie Günter Quandt, devenue entre temps… l’épouse du ministre de la Propagande Joseph Goebbels, avec Adolf Hitler pour témoin de mariage. Elle qui aspirait à devenir “une déesse d’enfer”, c’était réussi. Que Mme Goebbels ait eu un amant juif faisait tache. D’où la nécessité de le faire éliminer sur son territoire en armant le bras d’un exécuteur (mais de là à imaginer qu’elle était présente en Palestine le 15 juin, à la veille de l’assassinat…) [...]

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 19:56

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/09/30/pour-l-islam-de-france-de-l-imam-hassen-chalghoumi_1418257_3260.html

 

chalghoumi.jpgAl'hiver 2009-2010, une phrase a fait de lui une icône de "l'islam modéré" en France. En prenant position contre le port du voile intégral et pour la loi qui l'interdit, l'imam de la mosquée de Drancy, Hassen Chalghoumi, s'est singularisé au sein de sa communauté, majoritairement hostile à une loi "de stigmatisation". Ses prises de position ont attiré sur lui de nombreuses critiques, aggravées de menaces venues des franges les plus radicales de la communauté musulmane. Sa mosquée a connu des tensions, nécessitant l'intervention des forces de l'ordre. Dans le même temps, elles l'ont hissé au rang "d'imam républicain", reçu à bras ouverts par de nombreux responsables politiques.


Le jeune homme d'origine tunisienne, qui de son propre aveu ne maîtrise pas encore parfaitement la langue française, a souhaité profiter de cette audience pour étoffer son discours. Conseillé, voire cornaqué, par l'ancien journaliste d'origine algérienne Farid Hannache, M. Chalghoumi livre avec son coauteur un ouvrage bavard, long réquisitoire contre le FIS algérien, les chiites iraniens, les Frères musulmans, l'universitaire et prédicateur Tariq Ramadan, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) - qu'il rebaptise Union des organisations islamiques en France -, la Grande Mosquée de Paris, le Conseil français du culte musulman (CFCM), le ministère de l'intérieur chargé des cultes, les musulmans fondamentalistes et les pays d'origine des musulmans vivant en France. Il y rappelle aussi son parcours personnel, son passage par le Pakistan et la Syrie, et justifie son choix du dialogue avec les autres religions ; sa proximité avec le judaïsme lui a été violemment reprochée.

Imam, ainsi que le précise la signature de l'ouvrage, M. Chalghoumi adopte sur la forme un style littéraire particulier. Entre incantations et invocations, il joue sur la répétition de mots-clés, scande ses idées de phrases-slogans et de formules ampoulées. Soucieux de faire connaître le texte coranique, il entrecoupe ses développements de longs extraits du Coran. Le ton, parfois vindicatif, relève souvent de la diatribe, un exercice dans lequel on ne reconnaît guère sa personnalité réputée tempérée.

Relecture permanente

Sur le fond, la charge est claire et le constat alarmiste. Les islamistes et les fondamentalistes dénaturent l'islam partout dans le monde et mettent en danger l'émergence d'un islam de France. En réponse, l'imam Chalghoumi défend avec force, et comme d'autres avant lui, une adaptation des textes coraniques au contexte culturel et sociétal dans lequel vivent les musulmans, condamnant les pratiques les plus obscurantistes liées à l'islam (voile intégral, polygamie, excision, crimes d'honneur, etc.).

Cet appel à la relecture permanente des textes coraniques et ses réflexions sur la fonction d'imam sont parmi les passages les plus convaincants. Quitte à se mettre à dos quelques-uns des penseurs de l'islam, il juge qu'"il faut sortir du débat atterrant et aliénant : islamiser la modernité ou moderniser l'islam ?" Son combat revendiqué contre "les ambassades et les officines" étrangères, contre le Quai d'Orsay et le ministère de l'intérieur, rejoint aussi les revendications de la plupart des jeunes musulmans nés en France, qui ne se reconnaissent pas dans des institutions encore tenues par des hommes liés à leur pays d'origine, l'Algérie, le Maroc ou la Turquie. Le jeune imam omet juste de rappeler qu'il est lui-même désormais reçu par les autorités de Tunis.

 


POUR L'ISLAM DE FRANCE de l'imam Hassen Chalghoumi. Le Cherche Midi, 424 p., 18 €.

Stéphanie Le Bars
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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 10:22

     Il y a comme ça des gens dont la mémoire précède la naissance. Une vieille sagesse juive raconte ça. Des individus de ce type, on en connaît trois à Paris, trois achkénazes qui ont mis leur plume au service de ce monde-là. Des Juifs venus de là-bas échoués par ici, qui ont tout perdu sauf l’accent. course.1279616609.jpgCe trio est constitué du dramaturge Jean-Claude Grumberg, du regretté nouvelliste Cyrille Fleischman et du documentariste Robert Bober. Ce dernier avait fait une entrée fracassante en littérature en 1993 avec Quoi de neuf sur la guerre ? Puis il y eut Berg et Beck suivi de Laissées-pour-compte. On y sentait passer un doux vent mélancolique, avec ce qu’il faut d’humour et de tendresse pour ne pas sombrer dans la tristesse. Cette fois, pour le titre de son nouveau roman, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux (284 pages, 17 euros, Pol), il s’est servi dans Plupart du temps de Pierre Reverdy. Juste le titre. Pour le reste, il doit tout à Jules et Jim. Le livre d’Henri-Pierre Roché, le film de François Truffaut. Le sien raconte des histoires à travers une histoire. Celle de sa mère. Elle a vécu presque la même chose. Ce qui renvoie un étrange écho. D’un côté Jules, Jim et Catherine. De l’autre Yankel, Leizer et maman. Yankel s’est dissipé en cendres dans le ciel d’Auschwitz, Leizer s’est carbonisé dans le vol Paris-New York qui coûta la vie à Marcel Cerdan, maman est restée là avec son chagrin et son fils, le narrateur. Il faut Truffaut pour qu’elle sorte de son silence et qu’elle raconte son secret. Ce que c’est d’avoir aimé deux hommes et d’avoir perdu son Jim après avoir perdu son Jules. Nous sommes dans les années 60, déjà dans le tourbillon de la vie. La guerre n’est pas si loin encore. On dirait qu’il y a eu comme un trou noir.32343-robert-giraud-1953-n-gatif-hd_1197232459.1279616525.jpg

Dans ce monde-là, où l’on ne cesse de vadrouiller autour de son passé, lorsqu’on se souvient d’un nom, l’adresse suit juste après. On chante le Temps des cerises. On sait, mais pour combien de temps encore, le sens du mot « guinguette ». On ne peut remonter Belleville sans être envahi par des souvenirs d’école. On est parisien comme seuls ces yids-là savaient l’être.


LIRE LA SUITE SUR LE BLOG DE P. ASSOULINE

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25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 19:57

revoltes de la shoah

PRESENTATION DE L'EDITEUR (OMNIBUS)

Pour la première fois réunis, les témoignages saisissants de Juifs qui se sont dressés les armes à la main face à la barbarie nazie.

Sommaire
  • Juifs au combat, par Jacques Lazarus
  • Thomas Elek, un de l'Affiche rouge (extrait de La Mémoire d'Hélène), par Hélène Elek
  • Mala, une héroïne à Auschwitz, par Gérard Huber
  • L'Insurrection du ghetto de Varsovie, archives présentées par Michel Borwicz
  • La Bataille du ghetto de Varsovie vue et racontée par les Allemands, archives
  • Sobibor, la révolte oubliée, par Thomas Toïvi Blatt
  • L'Histoire de trois frères qui défièrent les nazis (Les Frères Bielski), par Peter Duffy
Quatrième de couverture

Un jeune officier français organise un maquis juif ; un adolescent lance des bombes ; une jeune fille humilie son bourreau ; un ghetto tout entier sort les armes, une foule de rescapés crée un village clandestin ... Les uns et les autres témoignent qu'il y a eu diverses façons de se révolter, mais aussi que toutes disent la même chose à l'oppresseur : il a échoué.

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 13:51

affaire-copernic.jpgLe 3 octobre 1980, une bombe explosait en plein cœur de Paris, devant la synagogue libérale de la rue Copernic, faisant quatre morts et des dizaines de blessés. Cet attentat – le premier d’une longue série qui allait ensanglanter le territoire français – marqua aussi la fin d’une période de relative tranquillité pour les Juifs de France. Le 13 novembre 2008, la gendarmerie royale canadienne arrête un professeur de sociologie de l’université d’Ottawa, Hassan Diab, soupçonné d’être le poseur de bombe de la rue Copernic. Que s’est-il passé pendant les 28 années séparant ces deux événements ? Pourquoi l’enquête de la police française a-t-elle mis aussi longtemps pour aboutir – provisoirement – à cette arrestation ?

Jean Chichizola, journaliste au Figaro et spécialiste du terrorisme, et Hervé Deguine, historien et journaliste, apportent des réponses à ces questions dans leur livre, L’affaire Copernic, sous-titré Les secrets d’un attentat antisémite. Dans leur introduction, les auteurs rappellent que l’attentat contre la synagogue Copernic est à la fois un événement historique et un véritable roman policier qui se déroule sur trois décennies. L’intérêt de ce livre est d’aborder les deux aspects, en mêlant avec habileté l’histoire et le polar. Il relate l’attentat et ses suites immédiates, marquées par la fausse piste du groupuscule néo-nazi (la FANE), exploitée politiquement par les adversaires de la droite au pouvoir. Il expose la piste du FPLP-CS, groupe terroriste palestinien membre de l’OLP, dont la culpabilité est apparue très rapidement aux enquêteurs de la DST.

L’affaire Copernic relate aussi la tragédie vécue par les victimes et leurs familles, Juifs et non-Juifs, et aussi Israéliens, aspect peu souvent évoqué dans les médias français. Les auteurs tentent de répondre à la question cruciale de savoir pourquoi cette affaire est demeurée non élucidée pendant presque trois décennies, en faisant la part des raisons techniques (complexité de l’enquête, manque de coopération entre Etats) et des motifs politiques (le caractère délicat du dossier palestinien, et la relégation au second plan du terrorisme moyen-oriental, à partir des années 1990, avec l’émergence du terrorisme islamiste). Ce livre fort intéressant laisse néanmoins le lecteur sur sa faim, ne serait-ce que pour la raison que l’affaire Copernic attend encore de connaître son dénouement. Hassan Diab sera-t-il jugé et, s’il est coupable, condamné à une peine à la hauteur de son crime  ? Seules les réponses à ces questions permettront d’écrire l’épilogue de cet épisode tragique.

Itshak Lurçat

Editions Mille et Une Nuits (Fayard) 2009, 234 pages, 20 euros.

(Article paru dans VISION D’ISRAEL, magazine culturel francophone israelien)

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 19:51

EN LIBRAIRIE!

secrets-SUEZ.jpgPrésentation de l'éditeur (PERRIN)
Le 26 juillet 1956, dans un monde crispé par la guerre froide, Nasser annonce dans un éclat de rire la nationalisation du canal de Suez. Une partie d'échecs s'engage alors à l'échelle de la planète. La France de Guy Mollet et la Grande-Bretagne d'Anthony Eden, concernées au premier chef, veulent répliquer par une intervention militaire pour faire respecter le droit international, sauvegarder leurs intérêts, protéger l'Etat d'Israël directement menacé par le monde arabe et, peut-être, renverser Nasser, fidèle soutien des indépendantistes algériens. Mais Londres, Paris et Tel-Aviv sont bien isolés. L'Union soviétique approuve le Raïs et les Américains verraient volontiers la mise hors jeu de concurrents dans un Proche-Orient bien pourvu en pétrole. En application d'un protocole secret signé à Paris le 24 octobre, l'armée israélienne attaque l'Egypte le 29 et remporte des succès foudroyants. Le 5 novembre, Français et Anglais débarquent à Port-Saïd. Américains et Russes s'unissent alors pour faire céder les deux puissances occidentales, qui doivent s'incliner la rage au coeur. Denis Lefebvre, grâce à des documents jamais publiés jusqu'à présent, éclaire d'un jour nouveau cette incroyable aventure palitico-militaire, dont les conséquences demeurent immenses.
Biographie de l'auteur

Denis Lefebvre, secrétaire général de l'Office universitaire de recherche socialiste, est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages historiques, parmi lesquels Guy Mollet, le mal-aimé (Plon, 1992) et, avec Alain Bergounioux, Le Socialisme pour les nuls (First, 2008).

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